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Une recherche pour mieux prévenir le « présentéisme » des infirmiers à l'hôpital

Publié le 01/07/2025

Quels sont précisément les facteurs de présentéisme des infirmiers à l'hôpital ? Si la problématique est connue, elle reste difficile à mesurer et prévenir. Romain Galland, cadre de santé formateur, en a fait l'objet d'un travail de recherche, dans le cadre d'un doctorat. Il rappelle les enjeux en termes de qualité notamment.

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Crédit photo : BURGER / PHANIE

Le présentéisme à l'hôpital serait-il un «impensé» organisationnel ? Comment faire pour l'identifier et le prévenir ? La question est posée par Romain Galland, cadre de santé formateur au CHU de Grenoble (Isère) et doctorant rattaché à l'université de la Réunion au sein du laboratoire Cemoi, pour Centre d'économie et de management de l'océan Indien. Il travaille depuis deux ans sur cette thématique et en a fait son objet d'étude dans le cadre d'un doctorat en sciences de gestion. Son projet a été présenté le 15 mai dernier dans le cadre de la quatrième journée d'étude et de rencontre du Réseau de recherche en qualité de vie en santé (R2QVT) qui s'est tenu à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône).

L'approche part d'un constat : «plusieurs études, parues en 2023 notamment, montrent une dégradation de l'état de santé des professionnels de santé plus marquée que celle observée chez les autres actifs et dans la population française», explique Romain Galland. Les indicateurs montrent aussi une hausse des arrêts maladie dans le secteur. «Le problème de l'absentéisme en hausse pose celui de la continuité des soins, dans un contexte de demande accrue, avec le vieillissement de la population et l'augmentation des polypathologies. Ces éléments laissent présager une augmentation des besoins en soins et en personnel, dans un contexte où l'état de santé des professionnels est déjà préoccupant», poursuit le cadre. Dès lors, son travail vise à prévenir l'absentéisme en passant au crible le présentéisme et ses déterminants.

Leur travail démontre que dans le champ sanitaire, des professionnels de santé sont présents au travail dans un état de santé dégradé, avant d'être en arrêt. Le présentéisme apparaît donc comme un facteur d'absentéisme.

Des enjeux multiples

Si le phénomène est connu et documenté, il l'est encore peu dans le secteur de la santé et à l'hôpital spécifiquement. «Il y a pourtant une vraie problématique dans les établissements», poursuit Romain Galland. Les risques ont en effet déjà été identifiés par la littérature. Des répercussions se font à l'échelle du professionnel lui-même, qui, en ne se soignant pas, dégrade son état de santé, avec un risque accru d'épuisement professionnel. Il a également des effets sur le reste de l'équipe, qui pallie les difficultés du professionnel malade. Dans le contexte de difficultés de remplacement, il s'agit d'un enjeu quotidien pour les cadres de santé. «C'est un véritable enjeu en termes de ressources humaines. La gestion des plannings est une tâche chronophage. Si l'on travaille à réduire l'absentéisme, on donne alors du temps aux cadres de proximité qui sont disponibles pour d'autres projets bénéfiques à l'activité», souligne Romain Galland.

Au-delà des enjeux pour la gestion et les ressources humaines, le présentéisme met en péril l'activité sanitaire, avec un risque élevé de transmission de pathologie infectieuse. Il impacte ainsi directement la productivité et la qualité des soins, avec in fine un coût économique important pour la structure. Une équipe de l'École des hautes études en santé publique a d'ailleurs récemment démontré que ce coût demeure sous-évalué dans le système de santé. «​​​​​​​Travailler sur le présentéisme, c'est travailler pour l'organisation et en même temps pour l'individu, c'est un projet gagnant-gagnant», résume Romain Galland.

Définition et repères

En 2020, deux chercheurs de l'université Bretagne-Sud se sont penchés sur le présentéisme et ses leviers émotionnels comme problématique managériale. Benédicte Berthe et Marc Dumas, respectivement maître de conférences en sciences économiques et professeur des universités en sciences de gestion, retiennent une définition du présentéisme, comme «​​​​​​​recouvrant des situations où l'individu est présent au travail alors qu'il ne devrait pas y être, la maladie étant la raison principale». Leur travail démontre que dans le champ sanitaire, des professionnels de santé sont présents au travail dans un état de santé dégradé, avant d'être en arrêt. Le présentéisme apparaît donc comme un facteur d'absentéisme. La littérature identifie des facteurs vastes et non spécifiques au secteur sanitaire, dont deux principaux : l'état de santé de la personne et les pathologies ressenties ou sous-jacentes ; et des facteurs organisationnels. Il peut s'agir à l'hôpital des horaires atypiques, de la charge de travail, du stress ou encore des relations au travail.

Des facteurs spécifiques ?

Face à ces enjeux, il apparaît nécessaire d'identifier les facteurs spécifiques du présentéisme à l'hôpital. «​​​​​​​Y a-t-il des particularités françaises ? Des mécanismes spécifiques et des facteurs précis dans le champ sanitaire ? C'est cela qu'il faut identifier, pour connaître le poids de chacun de ces facteurs et pouvoir faire de la prévention», détaille Romain Galland, qui s'appuie notamment sur des travaux de deux autres chercheurs français (lire l'encadré). Il s'intéresse plus précisément aux facteurs de présentéisme chez les infirmiers des structures sanitaires publiques et mène une étude qualitative, dont les entretiens semi-directifs sont en cours. L'objectif sera à terme de proposer une échelle de mesures des facteurs. L'échantillon est aléatoire : pour éviter le biais de sélection, Romain Galland s'est rapproché d'un ordre départemental des infirmiers. Les entretiens devraient se dérouler sur plusieurs mois et permettre de livrer les premières pistes à la fin de l'année. Enfin, ce travail de recherche donnera lieu à une publication.

Clémence Nayrac (Hospimedia)

Source : infirmiers.com