Permettre aux pays aux plus faibles revenus de flécher leurs financements vers des secteurs essentiels comme l’éducation et la santé, et moins vers le remboursement de leur dette : c’était l’objectif de la 4ème Conférence internationale sur le financement du développement (FfD4), qui s’est tenue à Séville (Espagne) entre le 30 juin et le 3 juillet. Imaginée pour repenser en profondeur l’architecture financière mondiale et assurer une meilleure représentation des pays du Sud au sein des institutions financières internationales, elle a donné lieu à des accords traduisant des engagements forts pour mieux financer la santé. Mais qui ne le sont probablement pas assez, selon le Conseil international des infirmières (CII). Dans un communiqué qui évoque les conclusions de cette conférence mais aussi celle du 17ème sommet des BRICS* (du 6 au 7 juillet, à Rio de Janeiro), il souligne que, si ces deux événements « marquent un retour bienvenu à la coopération multilatérale », des engagements plus fermes en faveur de l'investissement dans les effectifs de santé sont nécessaires pour atteindre leurs objectifs ambitieux en matière de santé et de développement.
Il faut dire que le contexte international est tendu, entre conflits, instabilité géopolitique et multiplication des crises économiques, et qu’il n’est pas sans impact sur la santé, notamment celle des populations les plus vulnérables. D’un côté, le retrait de l’aide financière américaine, impulsé par Donald Trump, et qui fragilise des programmes essentiels comme la vaccination dans les pays en développement, contribue « à créer un environnement exceptionnellement difficile pour le financement de la santé. » De l’autre, les pays à faibles et moyens revenus sont confrontés à un déficit de financement de plus en plus important : 4 000 milliards de dollars. De quoi compliquer l’atteinte des Objectifs de développement durable fixés par l’Organisation des Nations unies et ceux de la couverture sanitaire universelle d’ici 2030.
Le personnel de santé, le grand absent de ces engagements
Or, si FfD4 et sommet des BRICS ont donné lieu à des engagements en faveur d'un financement équitable et durable, notamment par le biais de mécanismes d'allègement de la dette pour les pays vulnérables à faible revenu, demeure un grand oublié : l’état du personnel soignant, pourtant essentiel dans la traduction des politiques de santé sur le terrain. Une omission d’autant plus criante que, quelques semaines plus tôt, l’Organisation mondiale de la santé alertait dans son rapport « State of the world’s nursing » sur les fortes inégalités de répartition des professionnels de santé, en particulier des infirmiers, dans le monde, qui se font au détriment des pays aux revenus les plus faibles. « Nous sommes actuellement confrontés à une pénurie majeure d'infirmières, qui constitue ni plus ni moins une urgence sanitaire mondiale », réagit ainsi Dr José Luis Cobos Serrano, le nouveau président du CII, cité dans le communiqué. les maux sont connus ; mais les solutions, elles, ne sont pas appliquées. Malgré « la crise urgente », dans les faits, aucun changement n’est perceptible. « Sans un financement et des investissements ciblés sur le personnel de santé, nous ne serons pas en mesure de respecter nos engagements collectifs en matière de santé et de développement. Nous ne pouvons tout simplement pas garantir la santé pour tous sans infirmières pour tous », insiste-t-il.
Et il y a un autre point qui inquiète le CII : la proposition de l’OMS d’une nouvelle structure organisationnelle prévoyant de regrouper le personnel de santé, les soins infirmiers et l'Académie de l'OMS au sein d'un seul département. Ce qui fait craindre au CII une marginalisation de « l'importance du personnel de santé et de soins », dilué de fait dans un département plus large de l'Organisation, et donc un recul des progrès réalisés dans le champ de l’investissement dans les personnels de santé. « Nous ne pouvons pas laisser notre personnel de santé vital devenir un simple métatarse à la périphérie des stratégies et des organisations mondiales de santé », a ainsi martelé Howard Catton, le directeur du CII dans le même communiqué.
Pour autant, l’organisation espère que l’accent mis sur le multilatéralisme lors des deux réunions « accélérera la solidarité mondiale en matière de financement de la santé », tout en reconnaissant qu’il faudra « veiller à ce que le personnel de santé soit correctement pris en compte. »
*Créé en 2009 en réponse au G7, le groupe des BRICS se compose des 11 plus grandes économies émergentes. Limité à l'origine au Brésil, à la Russie, l'Inde et la Chine, il a depuis intégré l'Afrique du Sud, l'Arabie Saoudite, l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Éthiopie, l'Indonésie et l'Iran.
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