«En réalité, je n'ai pas choisi de devenir aide-soignante il y a vingt-cinq ans. C'est plutôt ce métier qui m'a choisi. Et aujourd'hui, je le défends avec conviction en tant que présidente de la Fédération nationale des associations d'aide-soignants».
"La relation de confiance, essence même du soin"
«Comme beaucoup, je pensais durant mes premières années d'exercice qu'aide-soignante se résumait aux toilettes et au change. Mais au fil des années, et avec une certaine maturité, j'ai compris que c'était bien plus que cela. Être soignant, c'est avant tout nouer une relation privilégiée avec le patient. C'est entrer dans son intimité et être à ses côtés dans un moment marquant de sa vie. Cette relation de confiance mutuelle est l'essence même du soin. Et c'est de cette relation que dépendra la qualité des soins. Chacun de nous aurait la capacité d'apprendre ces gestes, mais créer un climat de confiance, trouver les gestes de réassurance, les mots justes, et adapter sa posture à chaque patient, à chaque situation demande bien plus. Cela demande un savoir, un savoir-être, un savoir-faire, une posture humaine, une présence. C'est finalement ça, être soignant».
Les infirmiers sont accaparés par de plus en plus de tâches administratives, par les outils informatiques, par la réalisation d'actes techniques. Nous travaillons désormais souvent seuls, alors que le collectif est l'essence même du soin.
Perte de sens
«En vingt-cinq ans, j'ai vu l'hôpital profondément se transformer. Les réorganisations se sont enchaînées. La logique d'activité, de rentabilité, s'est installée, mais aussi les restrictions budgétaires qui se sont multipliées - et bien souvent au détriment du sens. Nous sommes nombreux à ne plus trouver le sens de notre engagement des premiers instants. Avec cette perte de sens et de cohésion d'équipe, beaucoup d'entre nous quittent la profession prématurément usés ou encore désillusionnés. La notion de travail en binôme s'est peu à peu effacée. Les infirmiers sont accaparés par de plus en plus de tâches administratives, par les outils informatiques, par la réalisation d'actes techniques. Nous travaillons désormais souvent seuls, alors que le collectif est l'essence même du soin».
Je me souviens de ces journées épuisantes que nous avons enchaînées dans nos tenues de cosmonautes, seuls dans les couloirs vides, à accompagner des patients sans famille, à tenir des mains, à fermer des housses dans un silence pesant.
La crise du Covid a révélé les fragilités du système
«La crise sanitaire, elle, a mis en lumière, mais a aussi amplifié les fragilités de notre système. Nous avons été en première ligne, souvent sans protection suffisante à ses débuts, livrés à nos peurs et à nos doutes. Non, nous n'étions pas des héros, mais seulement des humains, enclins aux mêmes peurs que quiconque face à l'inconnu, conscients et attachés à notre mission de soignants malgré tout. Je me souviens de ces journées épuisantes que nous avons enchaînées dans nos tenues de cosmonautes, seuls dans les couloirs vides, à accompagner des patients sans famille, à tenir des mains, à fermer des housses dans un silence pesant. Ce fut un traumatisme collectif, une épreuve qui laisse des traces.
Être soignant, ce n'est pas un métier comme les autres. C'est une profession marquée par une forte intensité émotionnelle. La déchéance physique, la souffrance, la mort, mais aussi l'angoisse, la douleur, la détresse des patients et de leur famille. C'est une dure réalité à laquelle nous sommes confrontés très tôt et à laquelle bien souvent nous ne sommes pas préparés. C'est aussi un sentiment d'impuissance qui peut provoquer une grande fatigue psychologique. La charge de travail est très élevée, les sous-effectifs chroniques. Les absences non remplacées qui deviennent la norme nous obligent à compenser sans relâche. L'alternance jour-nuit use les corps, là où le sommeil est insuffisant et la charge mentale permanente. À cela s'ajoute la responsabilité. Chaque geste peut avoir une conséquence vitale et cette pression pèse lourdement, sans relâche sur notre mental».
Aujourd'hui, je m'interroge devant vous : qui prend soin de nous ?
Prendre soin des soignants, "une urgence collective"
«De plus, la violence et les incivilités se multiplient. Les agressions verbales, physiques deviennent banales. Un certain respect de la blouse s'efface peu à peu. Et puis, il y a le manque de reconnaissance, qu'elle soit financière, sociale ou morale, qui renforce le sentiment d'injustice et de découragement. Longtemps considérée comme une vocation, les aides-soignants attendent désormais une reconnaissance de leur progression à la hauteur de leur expertise, de leur responsabilité et de leur engagement. Le caractère oblatif (esprit de sacrifice) acquis par l'aide-soignant jusqu'à présent n'a plus de sens. De nos jours, les structures de soins sont, elles aussi, malades. Chaque jour, nous sommes des milliers à accompagner, à porter secours, à soigner. Mais derrière la blouse blanche, se cache une réalité bien plus fragile. Notre propre santé physique et mentale est bien souvent négligée. Aujourd'hui, je m'interroge devant vous : qui prend soin de nous ? Peut-on attendre qu'on donne sans compter, sans se demander à quel prix ? Est-il juste d'invoquer l'engagement et la vocation en oubliant les conditions de travail, le besoin de repos et de reconnaissance ? Que signifie prendre soin quand nous n'avons même plus le temps de prendre soin de nous-mêmes ? Quand notre fatigue, réelle souffrance, n'est plus vraiment entendue, non pas par indifférence, mais parce qu'elle est devenue normalisée et attendue dans l'idée que l'on se fait de nos métiers.
Malgré tout cela, il existe encore un espoir chez les aides-soignants, une forme de solidarité, du courage, de la fidélité à leurs valeurs soignantes. Mais cet espoir reste fragile, il ne peut indéfiniment reposer sur la seule force morale des soignants. Il est temps de préserver ensemble la santé globale de celles et ceux qui soignent, en améliorant leurs conditions de travail, leur bien-être physique et mental, en créant du lien et de la reconnaissance. Prendre soin des soignants est une urgence collective que nous ne pouvons plus négliger, parce que la santé des soignants est une condition essentielle pour garantir la qualité, la sécurité et l'humanité des soins».
SPS, au service des étudiants et des professionnels de santé en souffrance
Créée en novembre 2015, l'association Soins aux Professionnels de la Santé (SPS) a pour origine le rassemblement d'un groupe d'experts souhaitant partager et défendre la santé des professionnels de la santé.
Ses missions :
- venir en aide aux professionnels de la santé et aux étudiants ;
- agir en prévention pour le mieux-être.
SPS réalise des enquêtes, met en œuvre des actions et développe des outils innovants pour améliorer la qualité de vie des professionnels de la santé et des étudiants, prévenir et protéger leur santé, optimiser leur activité.
Depuis la création de l’association, plus de 35 000 appels sur le numéro vert SPS, et plus de 41 000 participants aux évènements et actions (colloques, formations, eJADES, JADES, groupes de parole, Rencontres Régionales…) organisées dans toute la France avec et grâce au soutien de nos partenaires publics et privés.
Ses actions :
Accompagner
Venir en aide aux professionnels de santé avec un parcours d'accompagnement psychologique
- Numéro vert SPS
- RNRPS
- Structures dédiées
Prévenir
Sensibiliser et former tous les professionnels de santé et étudiants
- JADES et eJADES
- Formations
- Autres ressources
Retrouvez toutes les informations sur le site de l'association.
*Le 11e Colloque SPS s'est déroulé 28 juillet 2025, au ministère de la Santé.
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