ÉTHIQUE

Hors équipe soignante, la consultation du dossier d'un patient est proscrite sans son consentement

Publié le 24/09/2025

Le recueil du consentement du patient est obligatoire avant toute consultation de son dossier médical par un professionnel de santé qui ne fait pas partie de l'équipe de soin qui le suit, a tranché le Conseil d'État. Une décision qui fait suite à une affaire impliquant un praticien hospitalier ayant eu accès à plusieurs centaines de dossiers sans autorisation.

Conseil d'Etat

Crédit photo : Sébastien Toubon

L’affaire débute en mars 2023. Les ministres en charge de la Santé et de l'Enseignement supérieur de l’époque, respectivement Catherine Vautrin et Sylvie Retailleau, saisissent la juridiction disciplinaire compétente à l'égard des personnels enseignants et hospitaliers des CH et CHU. Elles portent plainte contre un professeur des universités-praticien hospitalier (PU-PH) de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire qui exerce à l'université de Paris-Est Créteil et à l’hôpital Henri Mondor, à l’AP-HP. Selon un rapport émanant de la direction des systèmes d'information de l'AP-HP et de la déléguée à la protection des données, il est accusé d’avoir consulté 441 dossiers médicaux de patients, entre le 1er janvier et le 31 août 2020. Problème : il n’en suivait et n’en avait opéré aucun. S’y ajoute un second grief : par son comportement, et notamment « des accusations répétées à l’égard du chef de service », le mis en cause nuirait au principe de bonne confraternité et contribuerait à diffuser un climat délétère au sein d’équipes déjà fortement fragilisées, au point de menacer la sécurité des soins.

En décembre 2023, la juridiction disciplinaire rejette la plainte des deux ministres et leur demande de sanction. Le praticien, quand bien même il ne suivait pas les patients dont il a consulté le dossier médical, faisait partie de l’équipe de soin et participait aux réunions ainsi qu’au dispositif de permanence des soins et d’astreintes ; et s’il l’a fait, c’est parce qu’il réalisait une étude sur la morbi-mortalité des patients du service, y étant le responsable de la recherche. « La juridiction disciplinaire a retenu, pour écarter l'existence d'une faute disciplinaire, que [le praticien mis en cause] n'avait pas consulté ces dossiers en méconnaissance du secret protégé », tel qu’il est défini dans l’article L.1110-4 du Code de la santé publique , explique ainsi le Conseil d’État dans sa décision publiée le 4 juillet 2025 en rappelant les faits. Quant au non-respect du principe de bonne confraternité, si les éléments soumis à la juridiction tendent à démontrer qu’il était bien avéré et qu’il contribuait bien à nourrir un climat délétère, il n’a toutefois pas porté « une atteinte grave et immédiate » à la qualité et à la sécurité des soins.

Le Conseil d’État en désaccord

Saisi par Catherine Vautrin, le Conseil d’État aura finalement tranché autrement. Pour le second grief, celui de non-confraternité, « la réalité d'une telle atteinte [n’est] pas nécessaire pour caractériser l'existence d'une faute disciplinaire. » Comprenez, ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de conséquences graves sur les patients qu’un comportement non-fraternel n’est pas condamnable.

Quant à la violation du secret médical, « toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, (...) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant », souligne le Conseil d’État, citant justement l’article 1110-4 du Code de la santé publique. Et cette disposition s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé et s’applique à toutes les informations concernant le patient dont ils viennent à prendre connaissance. Certaines d’entre elles peuvent être partagées au sein de l’équipe soignante dès lors qu’elles sont « strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins ou à son suivi médico-social et social. » Dans toute autre situation – partage avec un professionnel ne faisant pas partie de l’équipe de soin et, a fortiori, recueil à des fins de recherche – l’information et le consentement du patient est obligatoire. « Il est établi que [le mis en cause] n'avait pas consulté l'ensemble de ces 441 dossiers à l'occasion d'une prise en charge effective par ses soins de chacun de ces patients et, d'autre part, qu'à supposer même [qu’il] avait une responsabilité en matière de recherche dans le service, […] la conduite d'un protocole de recherche impliquant la consultation des dossiers médicaux des patients aurait dû faire l'objet du recueil préalable de leur consentement », comme le réclame l’article L1122-1 du Code de la santé publique, déroule-t-il.

De fait, le Conseil d’État annule la décision de la juridiction disciplinaire et lui renvoie l’affaire afin que celle-ci puisse être à nouveau jugée.

Accéder à la décision du Conseil d'État

La Rédaction d'Infirmiers.com

Source : infirmiers.com