C’est dans un contexte particulier que les étudiants en soins infirmiers effectuent aujourd’hui leur rentrée. Il y a d’une part ces alertes répétées sur la fuite des apprenants, quand un ESI sur 3 décroche avant d’avoir son diplôme, qui s’explique aussi bien par des facteurs extérieurs (la sélection via Parcoursup et son inévitable cortège d’erreurs d’orientation) que par des causes structurelles inhérentes à la formation (l’épreuve des stages, parfois fatale aux étudiants). Parallèlement, s’ouvre le chantier de refonte de la formation infirmière, en parallèle de celle du métier promise par François Braun, alors même que son universitarisation est encore en cours. Autant d’enjeux qui impactent le quotidien des étudiants et dont la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI) entend bien s’emparer.
Un déroulement de la formation « encore très hétérogène »
La formation en soins infirmier s’inscrit dans un référentiel certes national, qui cadre « les typologies de stages obligatoires » et fixe un nombre d’heures de cours obligatoire pour chaque matière impérative. Pour autant, son déroulement, lui, « reste très hétérogène », rappelle Manon Morel, l’actuelle présidente de la FNESI. Car « chaque IFSI applique la formation de la manière qu’il souhaite. » Programme des enseignements, répartition et durée des stages, alternance entre cours magistraux, simulation et travaux dirigés…, c’est toute l’organisation de la formation qui peut ainsi varier d’un IFSI à l’autre. À noter toutefois que « généralement, les dates de premier stage sont fixées au premier semestre, entre novembre et décembre », précise Manon Morel. Et les périodes d’examens, elles, sont calquées sur le calendrier universitaire.
D’hétérogénéité, il est également question dans l’accès aux services des universités (Crous, logement, sport, service de santé, bibliothèque). Si l’ensemble des ESI peuvent en théorie en bénéficier depuis la réforme de 2019, qui a signalé la disparition du concours et le rattachement des IFIS aux universités, des disparités existent entre les territoires. « Des problématiques connues », pointe Manon Morel.
Des étudiants fragilisés
Et qui figurent au premier rang des préoccupations des ESI, poursuit-elle. Les remontées qu’ils effectuent auprès de la FNESI concernent en effet en grande partie « leurs droits qui ne sont pas effectifs, notamment les droits d’accès aux différents services universitaires ». Une contrariété qui est d’autant plus critique que les ESI font parallèlement face à des difficultés inhérentes à la nature de leur formation. À commencer par « une formation qui n’est plus d’actualité, ce qui les met en difficulté » une fois sur les terrains stages, et des tuteurs de stages qui manquent trop souvent. S’y ajoute enfin « tout ce qui a trait à la précarité financière, à la santé mentale des étudiants, qui se dégrade d’année en année », liste la présidente de la FNESI.
La refonte de la formation comme solution
Autant de défaillances que les transformations attendues de la formation socle auront à résoudre, selon plusieurs modalités. La première, c’est bien sûr la refonte même de ses contenus qui est attendue, avec des travaux de réingénierie qui devraient débuter en septembre. L’un des objectifs, explique Manon Morel, est notamment d’impulser plus de synergie entre les différentes matières, qui demeurent jusqu’à présent bien trop cloisonnées. De quoi « alourdir » la formation. « Par exemple, la pharmacologie est aujourd’hui une unité d’enseignement qui est à part sur les 3 années, alors qu’elle pourrait être totalement intégrée aux différentes pathologies et aux différents traitements. Et on pourrait alors voir la pathologie et ses traitements en même temps », illustre-t-elle. Dans cette perspective, la FNESI, qui participera aux groupes de travail, a organisé au cours de l’année 2022 des états généraux afin de consulter les étudiants de l’ensemble des promotions pour « obtenir directement leur avis sur la formation », ajoute sa présidente.
L’autre modalité repose sur les expérimentations mises en place dans une quinzaine de formations autour des parcours PASS/LAS. Pour rappel, il s’agit d’organiser une licence Sciences pour la santé, dans laquelle les étudiants infirmiers font « partie intégrante des PASS/LAS. Ils sont sur les bancs de l’amphithéâtre, où ils suivent des cours communs aux autres étudiants en médecine, en kinésithérapie, en pharmacie pour valider la première année. » Ils se spécialisent ensuite dans la filière sciences infirmières, avec, comme finalité, la délivrance d’un diplôme par l’université.
Cette expérimentation, qui a déjà permis d’identifier certains freins et obstacles, s’inscrit dans la logique de la troisième voie de l’évolution de la formation : l’universitarisation, ouverte en 2019 avec son inscription dans le parcours Licence-Master-Doctorat (LMD). Une démarche globale qui entraîne une révision de l’ensemble de ses modalités (contenus, organisation…). L’universitarisation consiste en effet à « rapprocher l’université en tant qu’acteur et tous les bénéfices qu’elle peut apporter des étudiants infirmiers : c’est faciliter l’accès aux services, qui est aujourd’hui encore compliqué ; c’est revoir le système de formation », détaille Manon Morel. « La réforme de 2019 marquait un début d’intégration universitaire. Mais là, il est question d’intégrer totalement la formation. […] C’est un gros chantier ! » qui a également pour finalité de prendre à bras le corps les problématiques liées au manque d’accompagnement des étudiants.
Il faut s’entourer, ne pas hésiter à discuter avec d’autres étudiants, à ne pas rester passif.
Quelles ressources à disposition ?
En attendant, les étudiants sont malheureusement « très livrés à eux-mêmes », avec des tuteurs de stage rarement identifiés et des référents pédagogiques qui n’ont pas la possibilité de mettre en place des mesures d’accompagnement, déplore Manon Morel. Avec des conséquences parfois très pénalisantes pour les étudiants lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés en stage. En l’absence de soutien spécifique dans ces moments, « bien souvent, ils doivent réaliser un stage de rattrapage. »
Pour autant, les étudiants en sciences infirmières ne sont pas nécessairement sans ressources. Ils peuvent ainsi « mobiliser l’aide par les pairs, donc avec les autres étudiants. Et si vraiment ça touche à des soucis de santé mentale, il y a les services de santé liés à l’université qui peuvent proposer un accompagnement », souligne la présidente de la FNESI. A noter que la Fédération propose également une ligne d’écoute destinée à aider les étudiants à s’informer de leurs droits et à réaliser les différentes démarches lorsqu’ils se retrouvent confrontés à un problème. Enfin, « il faut s’entourer, ne pas hésiter à discuter avec d’autres étudiants, à ne pas rester passif. Si quelque chose ne plaît pas, il faut le faire remonter aux différentes associations locales, aux élus des promotions et à la FNESI. C’est comme cela qu’on peut changer la formation et faire évoluer la profession », conclut-elle.
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