ENQUÊTE

35% des professionnels de santé sont en mauvaise santé psychologique

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Publié le 12/05/2025

Un tiers des professionnels de santé disent souffrir d'une mauvaise santé psychologique, selon le dernier baromètre Odoxa, soulignant des troubles du sommeil, de l'alimentation, voire insatisfaction au travail et burn-out. Ils pointent leurs conditions de travail, entre surcharge d'activité et manque de reconnaissance.

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Elle a beau être au cœur des préoccupations du secteur, la santé mentale des soignants ne s’améliore pas. Au contraire, elle tend plutôt à se dégrader si l’on en croit les résultats de la dernière enquête de l’Observatoire MNH – ODOXA sur le sujet (voir encadré). 35% des professionnels de santé interrogés se disent en effet en mauvaise santé psychologique. C’est 2,5 fois plus que chez les autres actifs ; et c’est surtout 6 points de plus par rapport au précédent baromètre Odoxa. En novembre 2024, ce dernier établissait cette part à 29%, estimant à seulement 18% les professionnels qui se déclaraient en bonne santé.

Dans les faits, ce mauvais état de santé se traduit par un sentiment fréquent d’anxiété, du stress ou encore par une charge mentale liée au travail jugée comme excessive. Plus de la moitié des professionnels de santé (56%, contre 22% chez les autres actifs) en font le constat, avec une population infirmière particulièrement touchée : ils sont 58% des infirmiers à le déclarer, bien loin des 47% des aides-soignants et 39% des médecins. Une grande majorité des professionnels de santé (89%) témoignent également de troubles du sommeil, auxquels peuvent s’ajouter des modifications du comportement alimentaire pour 80% d’entre eux. Résultat, plus d’un tiers (39%) ont été contraints d’interrompre leur activité pour motif psychologique, parmi lesquels 39% déclarent avoir souffert d’un burn-out, dont 40% chez les infirmiers.  Et côté étudiants, les chiffres ne sont pas meilleurs : un tiers des professionnels de santé, dont 35% chez les infirmiers, déclarent avoir souffert de problèmes de santé mentale au cours de leurs études.

Une santé dégradée en lien avec les conditions de travail

Les causes de ce mal-être et de ses conséquences peuvent être directement liées au métier des professionnels de santé et aux conditions dans lesquelles ils l’exercent. C’est en tout cas ce que déclarent 84% d’entre eux, dont 43% chez les infirmiers. Et de fait, « les soignants sont confrontés à des formes de stress très spécifiques à leur métier », commente Odoxa dans un communiqué présentant les chiffres principaux de son baromètre. Il y a d’abord la charge de travail, jugée parfois trop importante, pointée par 75% des professionnels de santé. Puis viennent les incivilités et l’agressivité physique que manifestent les patients (respectivement 41% et 30%). 54 % déclarent être régulièrement confrontés à des situations de violence au travail, avec, dans le détail, des taux atteignant 66 % chez les aides-soignants, contre 56 % chez les infirmiers et 38 % chez les médecins. Des chiffres qui viennent un peu plus illustrer cette problématique des violences faites aux soignants et que gouvernement et acteurs du secteur tentent d’endiguer. « Ces situations génèrent une tension continue, renforcée par des horaires contraignants (travail de nuit, astreintes, gardes), qui déstabilisent l’équilibre personnel et nuisent à la récupération psychologique », souligne ainsi l’organisme de sondage.Vient enfin le manque de reconnaissance et de valorisation, dénoncé par la moitié des soignants (51%) comme étant la principale cause d’un burn-out, juste devant les cadences de travail (49%) et l’inadéquation entre les attentes du métier et la réalité (35%). 

45 % d’entre eux ont ainsi souffert d’un problème de santé dans les trois derniers mois, qu’il soit physique ou psychologique, contre 23% chez l’ensemble des autres actifs, en conclut Odoxa. Sur le terrain, l’association Soins aux professionnels de santé (SPS) a d’ailleurs pu constater une hausse de 16% des appels des soignants en détresse au cours de l’année 2024, la moitié de ces sollicitations provenant des paramédicaux.

Les chiffres principaux de l'enquête par typologie de métier
- 35 % des soignants se disent en mauvaise santé psychologique, dont 34% d’infirmiers, 32% des aides-soignants, et 18% de médecins.
- 56 % des professionnels de santé déclarent ressentir fréquemment de l’anxiété, du stress, ou une charge mentale excessive en raison de leur travail. Ce chiffre atteint 58 % chez les infirmiers, 47 % chez les aides-soignants et 39 % chez les médecins.
- 39 % ont déjà dû interrompre leur activité pour motif psychologique : 42 % chez les aides-soignants, 39 % chez les infirmiers et 27 % chez les médecins.
- 39% qui ont dû arrêter leur activité pour cause de burn-out ou d’épuisement professionnel, dont 40% d’infirmiers, 38% d’aides-soignants et 34% de médecins.
- 57% sont toutefois satisfaits de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, dont 70% des médecins, 55% des infirmiers et 54% des aides-soignants.

Une santé mentale pourtant essentielle pour une bonne réalisation des missions

Or ces difficultés psychologiques peuvent avoir un réel impact sur la qualité du travail. Une grande majorité des professionnels de santé (86%) jugent ainsi que leur santé mentale est importante pour maintenir une bonne réalisation de leurs missions, dont la moitié qui l’estiment même « cruciale ». C’est d’ailleurs l’un des arguments avancés pour agir sur la santé, tant physique que mentale, des soignants : ceux-ci ne peuvent bien soigner que s’ils se sentent bien, martèlent régulièrement organisations professionnelles et pouvoirs publics. Et si l’on note toutefois une embellie sur le front de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle – ils sont 57% à s’en dire satisfaits, soit 3 points de plus par rapport à l’année précédente, mais toujours 24 points de moins comparé aux autres actifs – le niveau d’insatisfaction au travail, lui, reste tout de même élevé : il atteint les 35% chez l’ensemble des professionnels de santé. Cette insatisfaction est particulièrement marquée chez les infirmiers (39%) et les aides-soignants (40%).

Il faut mieux former à la gestion des émotions et du stress, jugent les soignants

Une fois ces chiffres posés, quelles solutions les professionnels de santé identifient-ils comme étant le plus à même d’éliminer, ou à tout le moins de résorber, les causes de cette mauvaise santé psychologique ? Beaucoup misent avant tout sur la formation à la gestion des émotions et du stress, soit sur le développement de compétences psycho-sociales : ils sont ainsi près de la moitié (49%) à la mettre en avant. Ils sont d’ailleurs 94% à être d’accord avec l’idée que « les formations continues devraient avoir un rôle majeur de sensibilisation à la santé mentale pour les professionnels de santé ». « En moyenne, 90 % pensent que développer les compétences psychosociales permettrait non seulement d’améliorer leur bien-être, mais aussi de réduire l’absentéisme, mieux gérer la violence au travail, et renforcer la qualité de la relation avec les patients », observe Odoxa. Sont ensuite citées comme autres solutions possible la présence de psychologues dans les services (42%), le développement d’un programme de prévention (39%) ou d’ateliers de communication (39%), ou encore celui de la médecine du travail (35%). 

Méthodologie de l’enquête
L’enquête a été menée les 12 et 13 mars 2025 auprès d’un échantillon de 1 005 Français, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus et de 1 164 professionnels de santé. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession de la personne interviewée) après stratification par région et catégorie d’agglomération.

Source : infirmiers.com