« C’est un moment important pour notre système de santé, et important pour notre vie démocratique », a déclaré Arnaud Robinet, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF) en introduction de la conférence de presse organisée le 2 septembre 2025. La preuve : la Fédération a dû bousculer son calendrier et avancer d’une semaine son rendez-vous annuel avec les journalistes, pressée par le contexte politique et le risque d’une crise qui se dessine. En appelant à un vote de confiance le 8 septembre prochain sur son budget, le Premier ministre François Bayrou joue en effet l’avenir de son gouvernement – mais aussi celui des arbitrages budgétaires de 2026 en cas de censure, voire d'une nouvelle dissolution de l'Assemblée nationale.
« Nous sommes en train de revivre la même séquence que l’année dernière », avec un budget qui n’est pas certain d’être adopté avant la fin 2025 et un projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026, traditionnellement présenté fin septembre, qui ne serait prêt qu’en mars ou avril de l’année suivante. Soit « beaucoup trop tard » pour la FHF, d’autant plus que le gouvernement actuel table sur un Objectif national des dépenses d’Assurance maladie (ONDAM) de +1,8%, qui serait « historiquement bas, déconnecté des besoins des établissements » et donc « intenable ».
« La santé mérite la même logique que la défense et la justice », a défendu Arnaud Robinet. La Fédération réclame depuis des années une loi de programmation pluriannuelle pour le secteur de la santé, qui mettrait fin à une « navigation à vue » permanente nuisant à la sérénité des professionnels de santé, et qui ouvrirait la possibilité de réaliser les investissements nécessaires pour assurer l’efficience et la soutenabilité du système de santé. « La programmation n’est pas seulement une méthode budgétaire, mais c’est aussi une question de justice et de responsabilité. » La FHF, qui reconnaît que la situation économique réclame de « faire des efforts », alerte toutefois sur des décisions économiques à court terme, un coup de « rabot aveugle » et des « financements précaires » qui seraient délétères sur le long terme. En filigrane, ce sont les économies réclamées à la santé dans son ensemble par le gouvernement Bayrou, à hauteur de 5 milliards, que pointe la Fédération.
Des pistes d'économie déjà identifiées
Tout l’enjeu pour celle-ci est donc de faire passer ses propres pistes d’économies : lutte contre le gaspillage médicamenteux, remise à plat de la nomenclature des actes ou encore développement de la responsabilité populationnelle. Sur le second point, la Cour des comptes cible « les actes de radiothérapie et de dialyse », a cité en exemple Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF, faisant référence à un rapport de 2022 qui estimait que les tarifs de radiothérapie étaient supérieurs en moyenne de 75% au coût réel des actes. « Il faut adapter les tarifs à la réalité des coûts de prise en charge. » Quant à la responsabilité populationnelle, elle permet de diminuer les dépenses liées aux hospitalisations. On observe ainsi « une réduction de 50% des passages aux urgences et des hospitalisations par les urgences » dans les territoires qui l’ont notamment mise en place dans la prise en charge du diabète de type 2. Il existe d’autres pistes d’économie rapides mais qui requièrent certes d’investir en amont. « Quand on dépense 80 000 euros pour améliorer la détection des fuites d’eau dans un CHU, c’est 200 000 euros d’économies par an » réalisés par la suite.
Côté médico-social, il faut notamment améliorer la prévention en EHPAD (chutes, dénutrition…) pour éviter les hospitalisations, a ajouté Marc Bourquin, conseiller stratégie parcours, proximité, autonomie et territoire auprès de la délégation générale de la FHF. La Fédération appelle également instamment le gouvernement à publier le décret sur le dépistage des fragilités, prévu dans la loi « Bien vieillir » d’avril 2024. « On ne peut pas dire que la prévention est essentielle et ne pas mettre en œuvre [cette loi] sur le repérage des fragilités », a-t-il insisté, relevant qu’il s’agit avant tout d’une volonté politique. Les pouvoirs publics prévoient la prise en charge de 15 millions de personnes d’ici la fin de la décennie, mais encore faut-il enclencher les bonnes mesures.
Un ONDAM de +3% pour réaliser les bons investissements
Pour ce qui est des financements eux-mêmes, la FHF réclame pour 2026 un ONDAM de +3%, dont 2,5% pour répondre aux évolutions des dépenses de santé (contre 2,9% en 2025) et 0,5% pour assurer le financement intégral de l’augmentation des taux de cotisation retraite (CNRACL). « On demande un juste financement de toutes les activités, notamment celles sous-financées ou à forte sujétion » (réanimation, chirurgie lourde de recours, pédiatrie…), ainsi que la poursuite du soutien à la recherche et à l’innovation, a listé Cécile Chevance, responsable du pôle Offres. Et concernant la branche autonomie, c’est une augmentation 4% qui apparait nécessaire, accompagnée d’un développement de l’offre de soins : création de places en SSIAD, de 50 000 solutions nouvelles sur le champ du handicap et de 50 000 postes en EHPAD d’ici 2030 pour faire face au vieillissement de la population et à la multiplication inévitable des polypathologies.
L'hôpital public assure « 83% de la permanence des soins, et 85% de la continuité des soins ».
Retour à un bon ratio nombre de séjours/effectifs soignants
Une loi de programmation pluriannuelle et la consolidation de financements suffisants pour l’hôpital public sont d’autant plus impératives que ce dernier peut s’appuyer sur une bonne dynamique actuelle, aussi bien du point de l’activité et que des ressources humaines. En 2024, le secteur a ainsi retrouvé le même niveau en termes de ratio nombre de séjours/effectifs soignants équivalent à celui de 2019. Il assure « 83% de la permanence des soins, et 85% de la continuité des soins », a indiqué Cécile Chevanche. Au premier semestre 2025, le nombre de séjours a augmenté de 4%, et de 1% pour les séjours avec nuitée. L’hôpital, malgré les contraintes qu’il affronte, reste donc productif, son déficit étant essentiellement dû à un financement qui ne permet de compenser l’inflation et les mesures de revalorisations salariales.
L’augmentation des quotas de formation en instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) laisse par ailleurs espérer un niveau de recrutement estival d’infirmiers plus élevé qu’en 2023 et 2024.
Des démarches dynamiques en matière de recrutement
Quant aux ressources humaines, « la tendance générale vient confirmer les enseignements partagés en 2023, qui confirment la bonne santé des démarches des établissements en matière de recrutement », a expliqué Rodolphe Soulié, responsable des ressources humaines, faisant référence à « l’embellie » que la Fédération observait en septembre 2023. Si, selon l’enquête annuelle de la FHF auprès de ses établissements, la quasi-totalité de ces derniers (92%) rencontrent encore des difficultés de recrutement de personnel médical, elles se concentrent surtout sur certaines spécialités : gériatrie (60%), urgences (55%), anesthésie (50%), psychiatrie (38%). Les difficultés généralisées, elles, tendent donc à se résorber. Une amélioration continue s’observe également sur le personnel non médical. « Moins de 10% éprouvent des difficultés générales, contre 25% en 2023. On est moins sur une logique de métier à difficulté particulière que sur des environnements d’exercice qui sont particulièrement présents dans le service public hospitalier », a-t-il pouruivi. En tête : les postes d’infirmiers anesthésistes et de bloc opératoire, ou encore le travail de nuit et de jours fériés. L’augmentation des quotas de formation en instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) laisse par ailleurs espérer un niveau de recrutement estival d’infirmiers plus élevé qu’en 2023 et 2024.
Les investissements sont plus que jamais nécessaire. Il faut agir avec modération et raison.
Parallèlement, certaines catégories d’établissement ont retrouvé un niveau d’absentéisme équivalent à celui précédant la crise Covid. Le taux d’absence pour maladie ordinaire est ainsi similaire à celui du reste de la population générale. Sur cette question de l’absentéisme, l’hôpital se distingue par deux caractéristiques à prendre en compte : le fort taux de féminisation des personnels (79%, essentiellement non médical), qui entraîne un absentéisme lié à la maternité, et la représentation de métiers à fortes contraintes physiques et organisationnelles. « Ce sont des actions internes et une organisation globale des établissements qui permettent de faire diminuer l’absentéisme au long cours », a jugé Rodolphe Soulié.
« L’accès aux soins reste dégradé et nourrit une défiance compréhensible de la part des Français. […] Les investissements sont plus que jamais nécessaire. Il faut agir avec modération et raison » en identifiant les mesures structurelles capables de garantir la soutenabilité du système de santé, a conclut Arnaud Robinet. « Des leviers d'améliorations et des pistes d'économies intelligentes et importantes existent, à condition d’être pensés à l'échelle du système de santé et dans une logique territoriale », a-t-il martelé, appelant l'État à « prendre ses responsabilités. »
PORTRAIT
D'infirmier psychiatrique à chercheur : itinéraire d'un passionné
AU COEUR DU METIER
Comment améliorer la prise en charge des personnes transgenres ?
PÉDOPSYCHIATRIE
Crise suicidaire de l'enfant ou de l'adolescent : pour un suivi rapproché de 6 semaines
MATERNITÉ
IHAB : un label pour la bientraitance des nouveau-nés