La lutte contre le VIH est confrontée à un étrange paradoxe : malgré des avancées scientifiques, elle est fortement fragilisée par des réductions de moyens et des difficultés croissantes d’accès aux soins et à la prévention. « Ces menaces mettent en péril les progrès accomplis depuis quarante ans et appelle à renforcer l’action afin d’atteindre l’objectif de la fin de la pandémie à l’horizon 2030 », alerte le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS). En cause : une mobilisation internationale qui traverse «une phase critique», notamment en raison du gel des financements émanant des États-Unis. Alors que les besoins sont estimés à 18 milliards, les montants promis à la lutte contre le VIH ne s’élèvent qu’à 11,3 milliards d’euros. « Cette réduction budgétaire menace directement les programmes de lutte contre le VIH et pourrait provoquer une hausse de plusieurs millions d’infections par le VIH et de décès évitables dans les pays à ressources limitées», en particulier sur le continent africain.
La séropositivité en hausse chez les 15-24 ans
Cette réduction des moyens financiers s’observe également en France, déplore le CNS. Elle touche les associations qui œuvrent pour la prévention et pour accompagner les personnes malades. Avec des conséquences réelles sur le terrain, qui se traduisent par « la disparition de structures locales ou régionales. » Or elle intervient alors que les populations jeunes s’avèrent particulièrement exposées au risque de transmission. Selon les dernières données de Santé publique France, la séropositivité est en hausse de 41% en 10 ans chez les 15-24 ans. Parallèlement, l’usage du préservatif diminue, et le recours à la prophylaxie pré-exposition (PrEP) reste «insuffisant». Et c’est sans compter la pratique du chemsex – qui consiste à prendre des substances psychoactives illicites lors de rapports sexuels – qui accroît les risques de contamination, poursuit le CNS. « Ces évolutions exigent des réponses adaptées, intégrant les dimensions sociales et biomédicales de la prévention», plaide-t-il, appelant à réfléchir bien en amont à l’intégration des innovations (dont la PrEP injectable à molécules) dans les politiques de prévention.
Les jeunes hommes face à des discours qui menacent la prévention
La question des jeunes, c’est aussi ce qui préoccupe Sidaction. L’association s’inquiète des résultats d’un sondage*, publiés ce 1er décembre à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le Sida, qui révèlent «une percée alarmante des discours masculinistes auprès des hommes en France» ; si tous les âges sont concernés, les 16-34 ans demeurent les plus touchés. 52% des hommes (16-59 ans) trouvent que la société s’acharne sur eux et 36% pensent qu’il est plus difficile d’être un homme qu’une femme dans la société française aujourd’hui. Pour 6 hommes sur 10, les médias caricaturent les hommes depuis #Metoo (58%). Les répondants adoptent un discours victimaire: plus d’un homme sur 2 considère que les hommes sont trop souvent accusés de violences sexuelles exagérées ou mensongères (53%).
Renforcer l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle
« Ces discours délétères de domination masculine et de violences sexistes et sexuelles», majoritairement relayés par des influenceurs masculinistes, «ont des conséquences dangereuses sur la prévention et la santé sexuelle», prévient Sidaction. L’idée de la virilité joue ainsi sur la décision d’utiliser ou non un préservatif: «31% des 16-34 ans se sentent plus puissants quand ils ne portent pas de préservatif ou estiment que les femmes doivent respecter les hommes qui refusent d’en porter (32%). 1 jeune sur 6 pense que le préservatif est un signe de faiblesse (16%).»
Face à ces constats, le CNS et Sidaction appellent à « une remobilisation urgente des pouvoirs publics, ambitieuse et solidaire » et à «renforcer l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS).» Ces séances d’EVARS « constituent aujourd’hui le levier le plus solide et le plus éprouvé pour lutter contre ces idées reçues, développer l’esprit critique et renforcer la prévention», insiste Sidaction. L’an dernier, 1,3 million de nouvelles infections ont été enregistrées dans le monde ; près de 40,8 millions de personnes vivent avec le VIH et 9,2 millions de personnes n'ont toujours pas accès au traitement, selon l’ONUSIDA.
Le 25 novembre dernier, dans son rapport pour la Journée mondiale de lutte contre le sida 2025, l’ONUSIDA avertit que « la riposte mondiale au VIH a subi son revers le plus important depuis des décennies». Les réductions de financement et le «manque de solidarité mondiale» ont provoqué «une onde de choc» dans les pays à revenu faible et intermédiaire, qui sont de plus fortement touchés par le VIH : réductions majeures de l'accès aux médicaments pour prévenir le VIH, fortes baisses de la circoncision médicale volontaire masculine, démantèlement des programmes de prévention du VIH conçus avec et pour les jeunes femmes qui prive les adolescentes et les jeunes femmes de services de prévention du VIH… « Les services destinés aux populations clés, notamment les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les professionnels du sexe, les personnes consommant des drogues injectables et les personnes transgenres, ont également été gravement touchés », s’alarme l’organisation. «La crise du financement a mis en évidence la fragilité des progrès pour lesquels nous nous sommes tant battus», déclare Winnie Byanyima, Directrice exécutive de l'ONUSIDA, citée dans un communiqué. «Nous savons ce qui fonctionne — nous disposons de la science, des outils et des stratégies éprouvées. Ce dont nous avons besoin maintenant, c'est de courage politique. Investir dans les communautés, dans la prévention, dans l'innovation et dans la protection des droits humains est la voie pour mettre fin au sida.»
*Réalisé par OpinionWay
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