La question n’est pas nouvelle, mais elle s’impose de plus en plus dans un contexte de vieillissement de la population et d’épidémies hivernales sévères : les professionnels de santé et les plus âgés doivent-ils être obligatoirement vaccinés contre la grippe? Au début de l’année 2025, Yannick Neuder, alors ministre de la Santé, s’y disait favorable ; et en juillet, c’est Agnès Firmin-Le Bodo qui déposait une proposition de loi rendant cette vaccination obligatoire. Ce sont désormais les députés qui y apposent leur sceau : mercredi 29 octobre 2025, ils ont voté en Commission des affaires sociales l'Article 20 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2026 (PLFSS 2026). Ils auront ensuite à renouveler ce vote dans l'Hémicycle lors de l'examen de l'intégralité du budget. Le texte prévoit de modifier le Code de santé publique en ce sens, à la fois pour les professionnels de santé et pour les résidents d’EHPAD.
Il entend notamment faire évoluer deux articles de ce même code. Le premier, le L.3111-2, liste les vaccinations actuellement obligatoires pour tous et qui sont reprises dans le calendrier vaccinal. Le PLFSS 2026 y ajouterait un second article, un L.3111-2-1, qui stipulerait que « la vaccination contre la grippe est obligatoire, sauf contre‑indication médicale reconnue, pour les personnes résidant » dans les EHPAD.
Une obligation vaccinale contre la grippe et la rougeole pour les professionnels
Le second article, le L.3111-4 concerne directement les professionnels de santé. Celui-ci indique actuellement : «Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l'exposant ou exposant les personnes dont elle est chargée à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe. » Il s’agirait d’y adjoindre deux nouveaux alinéas, qui étendent cette obligation vaccinale aux professionnels de santé exerçant en établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, mais aussi en libéral, toujours sous réserve qu’aucune contre-indication médicale ne s’y oppose.
La grippe ne serait d’ailleurs pas le seul virus visé. Le projet de loi cible également la vaccination contre la rougeole ; celle-ci n’est en effet devenue obligatoire pour tous les nourrissons qu’en janvier 2018. Le gouvernement justifie cette mesure par « [les] risques particuliers encourus, en cas d’exposition à la rougeole, par les personnes immunodéprimées et les jeunes enfants. » Seraient donc concernés aussi bien les professionnels en activité que les étudiants. « Lorsque la vaccination d’une personne à laquelle s’applique l’obligation d’immunisation est nécessaire, elle est réalisée, en l’absence de vaccin monovalent contre la rougeole, avec un vaccin trivalent associant rougeole, oreillons et rubéole », précise par ailleurs le texte.
Une obligation soumise à l'avis de la Haute autorité de santé
Pour autant, quand bien même le texte serait-il voté tel quel à l’Assemblée nationale, ces obligations vaccinales demeureraient conditionnées à un avis de la Haute autorité de santé (HAS). Saisie par le ministère de la Santé, celle-ci prévoit de rendre ses conclusions au cours de l’année 2026, a indiqué Lionel Collet, son président, lorsqu’il a fait le point sur les travaux de l’institution lors d’une conférence de presse début octobre. En 2023 déjà, la HAS avait émis des réserves sur cette obligation vaccinale, faute de données épidémiologiques qui en vérifieraient la pertinence. En réalité, cette obligation vaccinale contre la grippe existait déjà. Mais elle avait été suspendue en 2006. Une suspension qu’il suffirait de «lever», a d’ailleurs observé Lionel Collet lors de cette même conférence de presse.
Une mesure qui soulève en EPHAD «des questions éthiques majeures»
Le texte n’a pas encore été voté qu’il fait déjà réagir certains acteurs du soin, notamment ceux spécialisés dans la prise en charge des personnes âgées. L’obligation vaccinale pour les résidents d’EHPAD «si elle était adoptée, soulèverait des questions éthiques majeures», écrivent ainsi l’Association des Directeurs au service des Personnes Âgées (AD-PA), l’Association Vieillir En Citoyens (AVEC), l’Association Citoyennage et la Fédération Nationale Avenir et Qualité de Vie des Personnes Âgées (FNAQPA) dans un communiqué commun. Les quatre organisations s’inquiètent entre autres du respect du consentement éclairé de ces patients et d’un éventuel problème d’équité entre ces derniers et les personnes âgées vivant à domicile, qui seraient exemptées de cette obligation. S’y ajoute «le risque de stigmatisation des personnes âgées vivant en établissement, perçues comme un "danger" plutôt que comme des individus à protéger.» Elles annoncent avoir saisi le Conseil consultatif national d’éthique (CCNE) afin qu’il se prononce sur ces différentes questions éthiques, mais aussi sur les garanties qui devraient encadrer cette obligation. «Nos organisations sont conscientes de l’importance de la protection sanitaire auprès d’un public vulnérable, mais estiment que cette mesure, dans sa forme actuelle, pose des problèmes éthiques majeurs », concluent-elles.
En 2024, l’épidémie de grippe, particulièrement sévère, avait entraîné une surmortalité importante d’environ 17 600 décès et plus de 30 000 hospitalisations après passage aux urgences, selon le bilan de Santé publique France.
 
                        
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