Crainte d'effets secondaires, de surmédicalisation ou faux liens avec l'autisme : «On perçoit un mouvement très préoccupant, avec de plus en plus de parents méfiants qui nous ressortent des vieilles polémiques sur la vaccination des enfants», alerte Robert Cohen, pédiatre et infectiologue. L'extension des vaccins obligatoires pour les tout-petits (passés de 3 à 11 en 2018) a été plutôt bien acceptée. Mais une nouvelle vague de désinformation, omniprésente sur les réseaux sociaux, trouble certains parents. Principaux questionnements : la sécurité, l'utilité et l'efficacité des injections en général, mais surtout le lien supposé entre le vaccin ROR (rougeole, oreillons et rubéole) et l'autisme. Cette théorie est issue d'une étude truquée, maintes fois démentie par des travaux postérieurs, mais largement relayée, notamment par le ministre américain de la Santé Robert Kennedy Jr.- qui a récemment ordonné une nouvelle enquête sur le sujet.
Aux États-Unis, plus de 600 personnes ont déjà été contaminées par la rougeole cette année et deux enfants, non vaccinés, sont décédés - une première depuis une décennie dans le pays. Changeant de discours, RFK Jr a récemment affirmé que «le vaccin ROR est le moyen le plus efficace de prévenir la propagation de la rougeole».
Des États-Unis à la France
Mi-mars, il déclarait encore que le vaccin «provoque des décès chaque année» et qu'il est «à l'origine de toutes les maladies que la rougeole elle-même provoque : encéphalite, cécité, etc». Ces affirmations, démenties par des experts, circulent largement sur les réseaux en français, partagées notamment par des vaccinosceptiques qui ont acquis une audience depuis la crise Covid. Sur Facebook, plusieurs groupes rassemblant d'une centaine à plus de 10 000 parents - essentiellement des mères - s'échangent quotidiennement des conseils et astuces pour éviter les vaccinations de leurs nourrissons. «Qui a trouvé comment pouvoir scolariser son ou ses enfants sans être vacciné ?», demande une maman. «Je suis à la recherche d’un médecin anti-vaccin dans le Nord-Pas-de-Calais ou alentours. J’aimerais ne pas faire vacciner mon nouveau né», écrit une autre. Pour Hervé Haas, pédiatre et président du Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP), «les gens sont noyés par la désinformation». «Ce qui se passe aux États-Unis est assez révélateur et va nous revenir comme un boomerang. Il faut agir et anticiper cette vague», dit-il. «La crise sanitaire a déjà été un premier coup de canif dans la confiance envers les vaccins et la nomination de Robert Kennedy Jr. risque désormais de poser problème», renchérit Robert Cohen.
Un quart des enfants en crèche ne seraient pas à jour de vaccination, selon une étude de l'Association nationale des puéricultrices diplômées et étudiantes (ANPDE)
Selon le dernier bilan annuel des obligations vaccinales du nourrisson de Santé publique France, 38% des Français s'opposaient aux obligations vaccinales pour les enfants en 2022, contre 30% en 2019. Depuis 2018, il n'existe plus de sanction pénale pour un parent refusant les vaccins obligatoires pour son enfant. Ces injections restent cependant obligatoires pour être admis en crèche ou en collectivités d'enfants. Un quart des enfants en crèche ne seraient pas à jour de vaccination, selon une étude de l'Association nationale des puéricultrices diplômées et étudiantes (ANPDE) publiée en 2024.
"Mythes et méconnaissance"
Peggy Alonso, présidente de l'association des puéricultrices l'ANPDE, est confrontée tous les jours à la «méfiance» de parents, avec des questions «plus ou moins absurdes» sur la présence «d'aluminium» ou de «micro-puces» dans les vaccins. «Il y aussi beaucoup de mythes et de méconnaissance autour de ces maladies qu'ils pensent disparues et dont ils croient qu'il y a peu de chances que leurs enfants les attrapent», raconte l'infirmière puéricultrice, en poste à la PMI de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Or les retards de vaccination favorisent la diffusion des maladies, comme la rougeole, dont les cas augmentent aussi en France. Pour cette pathologie, «il y a encore des trous dans la raquette. On a une couverture de 86-87% alors qu'il faudrait 95%», admet Andreas Werner, président de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA). Si les proportions d'enfants couverts par des vaccins obligatoires restent «excellentes», «c'est beaucoup plus compliqué pour les vaccins recommandés», souligne-t-il, citant le vaccin contre les rotavirus. Pour Peggy Alonso, une barrière demeure: «Une fois les parents convaincus, encore faut-il que les familles disposent de soignants pour vacciner».
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