En octobre dernier, le sujet avait secoué l’Assemblée nationale et les agents de la fonction publique : sous couvert de lutter contre l’absentéisme, mais aussi d’économiser 1,2 milliard d’euros, le gouvernement Barnier proposait d’allonger le délai de carence de un à trois jours et de réduire les indemnités en cas de maladie pour l’ensemble des agents de la fonction publique. Finalement, une seule de ces mesures sera appliquée : une diminution des indemnités. Car l’objectif affiché est de ramener le déficit de l’État à 5% du PIB en sabrant dans la dépense publique.
L’Article 65 bis du PLF vient ainsi modifier celui du code général de la fonction publique qui cadre le versement de cette prestation. Alors que les indemnités perçues par un fonctionnaire lors d’un congé maladie représentaient jusqu’à présent l’intégralité de son traitement mensuel brut durant les trois premiers mois d’absence, elles n’y équivaudront désormais plus qu’à 90%, sauf en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Une réduction qui passe mal auprès de certaines organisations syndicales.
Il est injuste et contradictoire de prétendre améliorer la situation des soignants tout en les sanctionnant financièrement lorsqu’ils tombent malades.
"Un recul social majeur"
Dans un communiqué, Coordination nationale infirmière (CNI) dénonce ainsi un « en même temps » qui envoie des messages contradictoires aux soignants. D’un côté, l’Assemblée a adopté une loi instaurant des ratios soignants/patients fin janvier dans un souci d’améliorer les conditions de travail des uns et la prise en charge des autres. Mais de l’autre côté, l’inscription dans le PLF de la réduction des indemnités maladies constitue, a contrario, « un recul social majeur ». « Il est injuste et contradictoire de prétendre améliorer la situation des soignants tout en les sanctionnant financièrement lorsqu’ils tombent malades », s’indigne la CNI, qui rappelle que l’état de santé des soignants est directement lié… à leurs conditions de travail dégradées. La consultation menée par la mission formée par Agnès Firmin-Le Bodo dans le cadre de ses travaux sur la santé des professionnels de santé, en avril 2023 a ainsi révélé que 60% des infirmiers et aides-soignants estimaient souffrir d’épuisement professionnel.
« Nos arrêts maladie sont proportionnels à notre souffrance professionnelle. Pourtant, le gouvernement choisit d’affaiblir encore notre protection, alors que la majorité des maladies qui nous touchent est liée à la surcharge de travail, au stress et aux risques infectieux », poursuit le syndicat. Et la situation est d’autant plus injuste que, à la différence du privé, les soignants ne bénéficient toujours pas d’une mutuelle obligatoire financée par l’employeur ; la mesure est attendue pour 2026, alors qu’elle est appliquée dans le privé depuis 2016. La réduction des indemnités maladie viendra ainsi fragiliser un peu plus un secteur à la peine, juge la CNI. « Ces décisions incohérentes fragilisent encore plus les soignants, alors même que la reconnaissance de leur engagement devrait être une priorité. »
Une mesure d'austérité qui nuit à la santé des agents
Du côté des organisations syndicales plus généralistes, l’indignation est tout aussi forte. Force ouvrière critique une stigmatisation des fonctionnaires. « Cette décision, sous prétexte de lutter contre l’absentéisme, crée la suspicion sur la véracité des arrêts maladies des fonctionnaires et sur les décisions des médecins », fustige-t-elle. Elle vient surtout s’ajouter à d’autres mesures d’économies imposées à la fonction publique : le gel du point d’indice et la non reconduction en 2025 de l’indemnité de la garantie individuelle du pouvoir d'achat (Gipa), accordée aux agents et contractuels dont l’évolution du traitement indiciaire brut s’est avéré inférieur sur 4 ans à celle de l’indice des prix à la consommation, l’instrument qui permet de mesurer l’inflation.
Autant de mesures qui auront « un impact désastreux sur le pouvoir d’achat des agents, la dégradation de leurs conditions de travail, leur future retraite » et qui accentueront « les risques psychosociaux. » Un argument également avancé par la CFTC Fonction publique dans une lettre adressée à Laurent Marcangeli, le ministre de la Fonction publique. « La réduction de l'indemnisation des arrêts maladie risque d'ailleurs de conduire à des situations où des agents malades continueront de travailler, mettant en danger leur santé et potentiellement celle des usagers et de leurs collègues », prévient-elle, lui réclamant bien plutôt de « privilégier une approche plus équilibrée et bienveillante. » Enfin, l'UNSA Fonction publique, elle, met en garde contre cette baisse des salaires qui « nuit à la confiance des agents vis à vis de leur employeur et à l'attractivité des métiers de la fonction publique.»
Sous réserve du Conseil constitutionnel, le texte devrait être promulgué à la fin du mois. LFI et le Rassemblement national ont toutefois saisi l’instance pour contester la constitutionnalité de certaines de ses mesures ; sa décision est attendue pour le jeudi 13 février.
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