MIVILUDES

Dérives sectaires : les soins de support particulièrement touchés

Publié le 09/04/2025

La Miviludes s'inquiète de l'augmentation des dérives sectaires observées en santé. Elle cible notamment les pratiques qui se développent dans le cadre des soins de support, qui peuvent s'avérer particulièrement dangereuses pour les patients.

flacons, herbes, thérapies alternatives

Les dérives sectaires et les menaces qu’elles représentent « ont augmenté continuellement ces dernières années », s’alarme François-Noël Buffet, ministre auprès du ministre d’État, à l’Intérieur, en introduction du dernier rapport d’activité de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). La preuve en est, le nombre de signalements a doublé entre 2015 et 2024. De 2 160 lors de la première année d’existence de l’organisme, il est passé à 4 571 en 2024 ; quant à celui des signalements effectués auprès des procureurs de la République, au titre de l’Article 40 du Code de procédure pénale*, il est de 45, contre 20 en 2022. Et ce sont la santé et le bien-être qui arrivent en tête des thématiques de signalement, à hauteur de 37%, juste devant les cultes et les spiritualités (36%). On constate ainsi « un accroissement des thérapies alternatives et des pratiques non conventionnelles de soin, du fait de la grande vulnérabilité des personnes en souffrance physique ou psychique », souligne le ministre.

Il est courant de trouver des séances de Reiki, de magnétisme ou encore de « bol tibétain » dans les établissements publics de santé.

La Miviludes s’inquiète particulièrement des pratiques de soins non conventionnelles (PSNC), qui se développent sous l’effet conjugué d’Internet, des salons, notamment dit « bio », ou encore des livres qui leur sont consacrés. Souvent considérées comme « douces », « complémentaires » voire « alternatives et finalement bénéfiques pour la santé », ces pratiques sont nombreuses et diverses (jeûne, crudivorisme, …), et particulièrement sollicitées dans le cadre de soins de support. L’image « positive » de ces pratiques peut « constituer un facteur de développement des dérives en matière de santé », prévient la Miviludes. Selon un sondage, 70% des Français ont une bonne image de ces thérapies alternatives, et 57% d’entre eux estiment qu’elles sont « au moins aussi efficaces » que la médecine classique.

Des pratiques qui se diffusent rapidement

Pire, ces pratiques se développent au sein des établissements de santé, ce qui constitue « un sujet de préoccupation ». Aujourd’hui, « il est courant de trouver des séances de Reiki, de magnétisme ou encore de « bol tibétain » dans les établissements publics de santé », s’inquiète l’organisme.

Un grand nombre de signalements dénoncent ainsi « la banalisation » de ces pratiques au sein des structures. Or elles s’accompagnent d’un risque : « la prétention de certains pseudothérapeutes à substituer les PSNC à la médecine conventionnelle, excluant totalement le recours à celle-ci. »

Les dérives en la matière se concentrent principalement sur la promotion de méthodes de guérison et techniques de bien-être ainsi que sur la vente de "produits miracles" et appareils divers. Les patients atteints d’affections de longue durée sont particulièrement ciblé.

Un vrai danger pour les patients atteints de cancer, notamment, particulièrement vulnérables et cibles principales de ces pratiques de soins non conventionnelles. « Le marché des médecines complémentaires est lucratif. Les dérives en la matière se concentrent principalement sur la promotion de méthodes de guérison et techniques de bien-être ainsi que sur la vente de "produits miracles" et appareils divers. Les patients atteints d’affections de longue durée (ALD) sont particulièrement ciblés », souligne par ailleurs l'organisme.

Plusieurs facteurs expliquent l'explosion du phénomène : le développement du numérique et des réseaux sociaux, en premier lieu, qui facilite et accélère la diffusion des fausses informations, mais aussi les différents confinements décidés au cours de la pandémie de Covid-19, qui ont fait naître un discours plus que critique sur les politiques de santé, s'accompagnant d'une défiance contre l'industrie pharmaceutique. Enfin, il y a les difficultés qu'affronte le système de santé (difficultés croissantes d'accès aux soins, manque de temps à accorder aux patients, la peur face à des maladies incurables...), que ces pratiques prétendent pallier.

Les premières pistes pour lutter contre le phénomène

Ces pratiques « n’ont pas de fondement scientifique » et « les praticiens qui y recourent ne sont formés par aucun organisme fiable », rappelle la Miviludes. Un comité d’appui à l’encadrement de ces pratiques, piloté par le ministère de la Santé et de la Prévention, a été institué « afin de dégager un consensus scientifique pour mieux lutter contre les dérives thérapeutiques notamment celles ayant un caractère sectaire. » Parallèlement, une loi contre les dérives sectaires, débattue entre fin 2023 et début 2024 à l’Assemblée nationale et au Sénat puis promulguée en mai 2024, a permis la création de nouveaux délits de provocation à l'abandon ou l'abstention de soins ou à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elle expose une personne à un risque grave pour sa santé.

Accéder au rapport de la Miviludes

*Cet article impose l'obligation à « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit » d'en avertir un procureur de la République.

La Rédaction d'Infirmiers.com

Source : infirmiers.com