ASSEMBLÉE NATIONALE

Fin de vie : les députés adoptent la proposition de loi sur l'aide à mourir

Par
Publié le 28/05/2025

Après une semaine de débats, l'Assemblée nationale a approuvé les propositions de loi relatives aux soins palliatifs et d'accompagnement et à la fin de vie. Cette dernière, qui a divisé l'Hémicycle, ouvre un droit d'accès à l'aide à mourir.

Assemblée nationale, écran, résultat du vote sur la proposition de loi relative à la fin de vie

Crédit photo : Michel Euler/AP/SIPA

Entre le moment où la convention citoyenne sur la fin de vie s’est prononcée en faveur d’une loi sur l’aide active à mourir et le vote solennel des députés sur le texte final, il se sera écoulé plus de deux ans. Un délai qui s’explique certes par une dissolution de l’Assemblée nationale au mois de juin 2024 et plusieurs changements successifs de gouvernement ayant repoussé d’autant l’examen du texte, mais qui met également en lumière le caractère hautement abrasif et sensible de ce sujet de société. Pourtant, c’est dans un climat apaisé que se sont déroulés les sept jours de débats consacrés aux deux projets de loi sur la fin de vie, l’un sur les soins palliatifs, le second sur le suicide assisté, selon la division souhaitée par le Premier ministre François Bayrou.

Les députés ont ainsi mis un point final à l’examen des 20 articles et leurs quelque 2 300 amendements du texte sur la fin de vie, qui s’ouvre notamment sur la création « d’un droit à l’aide à mourir », votés ce mardi 27 mai. Et c’est, sans grande surprise, le « oui » qui l’a emporté, à 305 voix pour et 199 voix contre. « Merci mes chers collègues d’avoir fait de ce débat parlementaire un beau débat parlementaire et d’avoir voté une belle loi républicaine qui porte en son cœur les valeurs de liberté, égalité, fraternité », a réagi Olivier Falorni (Les Démocrates, Charente-Maritime), le rapporteur général du texte à l'issue du vote.

La loi palliative a fait consensus

Tel un tour de chauffe, les débats se sont d’abord ouverts sur le projet d’une loi sur les soins palliatifs, beaucoup plus consensuelle. La preuve : sur les 563 députés présents, elle a recueilli 562 voix pour et une abstention. Il faut dire que les enjeux sur ce champ du soin sont énormes, notamment sur les questions d’accès. En juillet 2023, un rapport de la Cour des comptes dressait un constat inquiétant : seuls 50% des besoins en soins palliatifs étaient lors couverts sur l’ensemble du territoire français. Or cette loi doit constituer le socle législatif de la stratégie nationale du gouvernement sur les soins palliatifs et ses 30 mesures pour améliorer la prise en charge.

« L’accompagnement et les soins palliatifs sont pratiqués par une équipe pluridisciplinaire et pluriprofessionnelle, suivant une approche spécialisée lors de la prise en charge de cas complexes », précise ainsi le texte. Ces soins sont prodigués quel que soit le lieu de résidence de la personne malade, et les missions qui y sont associées ne peuvent faire l’objet de dépassement d’honoraires chez les professionnels de santé. Les  Agences régionales de santé (ARS) sont désignées comme garantes du respect du droit à l’accès aux soins palliatifs et sont également chargées de leur organisation sur le territoire. Sur les questions de formation à l’accompagnement des malades et de leurs proches, en revanche, la loi ne prévoit de ne renforcer que celles des médecins, via un Article 8 qui offre la possibilité, à titre expérimental et sur une durée de 3 ans, d’inclure « une formation aux soins palliatifs dans les stages pratiques des étudiants en médecine dans les unités de soins palliatifs et les équipes mobiles de soins palliatifs. »

Création de 106 maisons d’accompagnement et de soins palliatifs

Parallèlement, elle entérine la création de 106 maisons d’accompagnement et de soins palliatifs. Celles-ci offriront « un accueil, y compris temporaire, et qui procurent des soins et un accompagnement médico-social spécialisés, en associant les proches, à des personnes en fin de vie dont l’état médical est stabilisé et qui ne peuvent ou ne souhaitent pas rester à domicile pour des raisons médicales ou sociales. »

Côté budget enfin, le texte définit pour chaque année le montant de crédits à allouer aux nouvelles mesures prévues dans la stratégie décennale. 106 millions d’euros seront ainsi débloqués en 2025, contre 97 millions en 2026. Ces enveloppes seront fléchées vers l’hôpital de jour et les courts séjours, aux séjours en lits identifiés en soins palliatifs, à la création d’unités de soins palliatifs et d’unités de soins palliatifs pédiatriques, ou encore aux associations de bénévoles d’accompagnement.

Des critères stricts d'accès à l'aide à mourir

Beaucoup plus délicat, le texte relatif à l’aide à mourir se devait de sécuriser au mieux le consentement éclairé des malades et de protéger les professionnels de santé. Les députés se sont accordés sur des critères stricts et cumulatifs pour encadrer l’accès à ce droit. Pour en faire la demande, un patient devra remplir ces conditions :

  • être âgé d'au moins dix‑huit ans ;
  • être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France ;
  • être atteint d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée, caractérisée par l'entrée dans un processus irréversible marqué par l'aggravation de l'état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie ou terminale.
  • présenter une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle‑ci a choisi de ne pas recevoir ou d'arrêter de recevoir un traitement. Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l'aide à mourir ;
  • être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.

Le malade pourra formuler sa demande, par écrit ou par tout autre mode d’expression adapté à ses capacités, à un médecin en activité qui n’est ni son parent, ni son allié.

C’est à un amendement déposé par la ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin, que l’on doit la définition de « l’affection grave et incurable », qui intègre l’avis rendu le 6 mai dernier par la Haute autorité de santé. Celle-ci y affirmait l’impossibilité de fixer un critère temporel individuel autour de la notion de pronostic vital, du fait de l’absence de consensus médical. Le malade pourra formuler sa demande par écrit ou « par tout autre mode d’expression adapté à ses capacités à un médecin en activité qui n’est ni son parent, ni son allié, ni son conjoint, ni son concubin, ni le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité, ni son ayant droit » et disposera d’un délai de réflexion incompressible de deux jours à compter du moment où sa demande est acceptée par le praticien. En cas de refus de ce dernier, il peut formuler une nouvelle demande ailleurs ou saisir la justice administrative pour tenter d'obtenir une décision favorable.

Une décision "collégiale" obligatoire

De son côté, le professionnel de santé est d’abord tenu d’informer le malade des traitements et de l’offre d’accompagnement qu’il peut solliciter, dont une prise en charge palliative. Avant de rendre toute décision, le médecin qui accepte la demande du patient doit mettre en place une procédure collégiale, selon un amendement déposé par Frédéric Valletoux (Horizons). Il réunit ainsi au moins un médecin spécialiste de la pathologie dont souffre le malade et d’un auxiliaire médical (infirmier, kiné ou aide-soignant) qui intervient dans son parcours de soin.

À l’issue de cette procédure et des deux jours de réflexion, si le patient réitère sa demande, alors le médecin prescrit la substance létale et convient avec lui et « le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner » des modalités de son administration. « La personne peut être entourée par les personnes de son choix pendant l’administration de la substance létale. Le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne informe les proches et les oriente, si nécessaire, vers les dispositifs d’accompagnement psychologique existants », précise en outre le texte. La présence du professionnel de santé lors de la prise du produit n’est toutefois plus obligatoire, même s’il doit demeurer « suffisamment près et en vision directe de la personne pour pouvoir intervenir en cas de difficulté. » Cette étape devra intervenir moins de 3 mois après le feu vert du médecin ; dans le cas contraire, le patient aura à initier une nouvelle démarche pour réévaluer sa demande et son consentement.

Un délit d'entrave sanctionné de 2 ans de prison et d'une amende

Les députés ont parallèlement prévu une clause de conscience permettant aux médecins de refuser d’accéder à une demande d’aide à mourir. Auquel cas, ils doivent réorienter le patient vers un praticien qui acceptera d’examiner le dossier. Sur le sujet de l’aide à mourir, la communauté soignante est en effet divisée : en soins palliatifs, une enquête menée par la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs estimait en avril 2024 à 80% la part de soignants qui refuseraient d’administrer la substance létale. Enfin, les élus ont adopté le samedi 24 mai l’introduction d’un délit d’entrave à l’accès à l’aide à mourir, soit « le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen », sanctionné par deux ans de prison et 30 000 euros d’amende. « Ce que l’on est conduit à dire (…) dans un cercle amical, familial est évidemment une approche personnelle qui n’est pas constitutive d’un délit d’entrave », a réagi Catherine Vautrin, en réponse aux inquiétudes soulevées par certains députés qu’une telle disposition pourrait introduire une forme d’arbitraire : un proche qui tenterait de dissuader le malade de recourir à l’aide à mourir pourrait être accusé d’un tel délit. « Le fait de proposer des soins palliatifs, des alternatives ou d’autres perspectives, de faire part d’un doute, d’ouvrir un dialogue ou même de retarder une décision jugée prématurée (…) ne peut pas être regardé comme une pression », a-t-elle ajouté.

« Le vote par l’Assemblée nationale des textes sur le développement des soins palliatifs et l’aide à mourir est une étape importante. Dans le respect des sensibilités, des doutes et espoirs, le chemin de fraternité que je souhaitais s’ouvre peu à peu », a aussitôt réagi Emmanuel Macron sur X, à l’issue du vote.  

Ayant passé l’étape de l’Assemblée nationale, les deux textes ont désormais à franchir celle du Sénat, où la majorité de droite, globalement hostile à celui sur l’aide à mourir, pourrait largement amender ce dernier. Auquel cas, un second examen sera organisé par l’Assemblée nationale puis de nouveau par le Sénat. « Je souhaite que le texte soit voté d’ici à 2027, c’est encore possible », prévoyait ainsi Catherine Vautrin, dimanche 25 mai, dans La Tribune Dimanche.

Accéder au dossier de la proposition de loi relative à la fin de vie

Accéder au dossier de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d'accompagnement


Source : infirmiers.com