Issu de six mois de travail et d’une quarantaine d’auditions, le rapport des députées Nathalie Colin-Oesterlé (Horizons) et Anne Stambach-Terrenoir (LFI), membres de la Délégation aux droits des enfants, appelle à mener une « politique ambitieuse » pour la santé mentale des plus jeunes. Le document, voté mercredi 9 juillet à l’Assemblée nationale, met en lumière une problématique bien connue des professionnels de santé du secteur : l’écart entre les besoins croissants de soin et l’offre, « contrainte, liée à la pénurie de professionnels de santé, à une disparité territoriale ainsi qu’à une diminution des moyens hospitaliers » et qui demeure encore trop illisible pour les parents. Les députées y soulignent les « conséquences néfastes » – prises en charge tardives, recours accru aux psychotropes, saturation des urgences – et insistent sur « l’urgence » d’agir.
Proposer une offre de soins "graduée" et renforcer la prévention
Le rapport liste une cinquantaine de préconisations et recommande de consolider l’offre de soins existante « plutôt que de développer de nouveaux dispositifs et de multiplier les centres experts. » Cette offre doit être « graduée » et sectorisée, et s’appuyer notamment sur les médecins généralistes et les maisons des adolescents, ainsi que sur les centres médico-psychologiques (CMP). Des CMP dont il faudra toutefois renforcer les moyens et surtout revoir le maillage afin que « tout enfant puisse y accéder en 30 minutes de son domicile ». Les députées proposent également de créer des centres de crises adossées aux urgences pédiatriques et aux hôpitaux psychiatriques, dans le but de limiter le recours aux services d'urgences. Elles plaident par ailleurs pour une meilleure coordination entre les secteurs sanitaire, social, médico-social et éducatif, en particulier dans la prise en charge des jeunes de l’Aide sociale à l’enfant (ASE), « surreprésentés dans la file active de patients atteints de troubles psychiques sans pour autant bénéficier de soins au long cours. » Un discours qui fait écho aux récentes recommandations de la Haute autorité de santé, qui insistait en mai sur l’importance d’une collaboration plus étroite entre acteurs de la protection de l’enfance et ceux de la psychiatrie de l’enfant, notamment pour éviter les ruptures de parcours chez ces populations plus fragiles.
Mais il faut également renforcer les moyens de prévention, et ce dans tous les environnements que fréquentent les mineurs (famille, école, numérique…) : soutien aux femmes enceintes et aux jeunes parents, les 1 000 premiers jours d’un enfant étant cruciaux pour son bon développement ; augmentation des effectifs en médecine scolaire, que ce soit chez les médecins, les infirmiers et les psychologues, mais aussi rétablissement du bilan de santé à 6 ans en milieu scolaire et inclusion dans le bilan santé de 12 ans d'un dépistage de troubles psychiques ; et régulation de l’environnement numérique, afin de contrer les effets néfastes de l’exposition aux écrans, et aux réseaux sociaux. Dans son étude parue le 19 juin 2025, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) s’alarmait d’une hausse des hospitalisations pour tentatives de suicide et automutilations chez les très jeunes filles, et avançait le mésusage des réseaux sociaux et la violence qu’elles y subissent comme possible explication du phénomène. On estime que la moitié des troubles psychiatriques se déclarent avant 15 ans, d’où la nécessité d’une prise en charge précoce des éventuelles problématiques de santé mentale qui émergent chez l’enfant.
Il faut également mieux former les professionnels, martèlent les deux députées, qui proposent entre autres un renforcement de la formation des infirmiers « notamment par le biais d'un stage obligatoire » en santé mentale, ainsi que la création de « formations délocalisées d'infirmiers en pratique avancée et/ou d'infirmiers spécialisés en psychiatrie ».
L'épineuse question du financement
Demeure la question du financement, qui doit être à la hauteur. Le rapport encourage ainsi à entamer une réforme du financement de la psychiatrie, et à revaloriser les consultations en pédopsychiatrie. Une gageure, alors que la psychiatrie, et plus encore la pédopsychiatrie, représente traditionnellement le parent pauvre de la santé. Le gouvernement avait dévoilé en juin un plan pour mieux repérer et soigner les troubles psychiques, ainsi que pour rendre plus attractive la psychiatrie publique, mais sans convaincre nombre de soignants qui ont regretté des mesures insuffisantes et un flou sur les moyens financiers.
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