«Nous accueillons des enfants de 0 à 17 ans, ainsi que leur famille, avec une population principalement issue d’Ile-de-France mais aussi des DOM-TOM», explique Mélanie Gacek, coordinatrice infirmière de l'éducation thérapeutique au sein de l'hôpital de pédiatrie et de rééducation (HPR) de Bullion, insistant sur le fait que c'est une prise en soins «pluridisciplinaire, spécialisée et personnalisée» des enfants brûlés*.
Une approche pluridisciplinaire
«Nous possédons un important plateau technique : avec une grande piscine, un gymnase, une salle de réentraînement à l’effort…ainsi qu'un grand parc arboré. Pour que l'enfant se sente le mieux possible, nous avons une maison des familles qui lui permet d'avoir ses parents et sa fratrie à proximité avec 15 chambres, mais aussi une Unité d’enseignement pour qu'il puisse retrouver une vie la plus normale possible». La structure a ainsi permis de proposer une prise en charge adaptée à 89 patients en hôpital de jour en 2024. «Grâce à une approche pluridisciplinaire, nous aidons l’enfant à se réapproprier son corps tout en limitant les séquelles physiques et psychologiques». La cicatrisation des brûlures chez l’enfant est longue et nécessite un suivi régulier. Tout comme la rééducation, complexe, également individualisée. Quand c'est possible, la famille est impliquée dans les soins afin de faciliter la réinsertion de l’enfant après sa sortie.
Le derme a, entre autre, comme rôle de donner de la souplesse. Il faut imaginer la peau comme un vêtement. On a besoin d’élasticité, qui est cruciale pour se mouvoir.
Un long parcours de soin
L'origine des brûlures est à 95% accidentelle, avec 2/3 des patients qui ont moins de 4 ans, rappelle l'équipe. Les enfants sont d'abord hospitalisés en service de réanimation et de chirurgie pour pouvoir gérer les urgences vitales et les greffes, avant d'être pris en charge au sein de l'établissement. Un retour à domicile est possible lorsque les soins de cicatrisation sont terminés (environ 18 mois), mais il leur faudra poursuivre la rééducation tout au long de leur parcours. Ces enfants auront également des suivis de consultation tout au long de leur croissance.
Il existe plusieurs degrés de brûlure, mais dès lors qu'elle touche le derme, elle peut être considérée comme «profonde» et les soins deviennent «complexes».
Le Dr Mostefa Boulenoir, pédiatre brûlologue à l'hôpital de Bullion, liste les principales causes de brûlures : elles sont la plupart du temps thermiques (liquides chauds, bains, cafés, friteuse, fer, plaques chauffantes… retour de flammes de barbecue et feux de maisons dans les cas les plus graves), elles peuvent également être chimiques, électriques (main dans la prise) ou encore par rayonnement. «Le derme a, entre autre, comme rôle de donner de la souplesse. Il faut imaginer la peau comme un vêtement. On a besoin d’élasticité, qui est cruciale pour se mouvoir». Il existe plusieurs degrés de brûlure, mais dès lors qu'elle touche le derme, elle peut être considérée comme «profonde» et les soins deviennent «complexes» avec notamment, la nécessité de greffes. Une autre spécificité : «Pour un enfant, au-delà de 10% de brûlure, c’est grave. Il peut mourir de déshydratation ou d’infection rapidement», précise le médecin. Dans le détail, il s'agit toujours d'autogreffes : «C'est à dire qu'on prend souvent du derme au niveau de la tête», explique le Dr Boulenoir. «On est également capables, lorsque les besoins sont importants, d'agrandir la peau (à 5 fois sa taille). Il arrive aussi que l'on greffe du derme artificiel».
La brûlure est une maladie chronique complexe, l’enfant va vivre avec toute sa vie, explique le pédiatre brûlologue. C'est pourquoi elle nécessite une prise en charge pluridisciplinaire et globale pour permettre à l’enfant de se réinsérer
Une prise en charge globale
L’hôpital de pédiatrie et de rééducation (HPR) de Bullion n'a pas pour fonction de prendre les enfants en phase aigüe, mais intervient justement après cette phase. «La brûlure est une maladie chronique complexe, l’enfant va vivre avec toute sa vie, explique le pédiatre brûlologue. C'est pourquoi elle nécessite une prise en charge pluridisciplinaire et globale pour permettre à l’enfant de se réinsérer». Il faut pour cela, dans le même temps, poursuivre la cicatrisation, la rééducation, l'éducation thérapeutique, la réintégration sociale et scolaire, ainsi que la prise en charge psychologique de l'enfant.
L'infirmier surveille l'évolution des plaies et adapte les pansements selon les thérapeutiques, en étroite collaboration avec l'équipe pluriprofessionnelle.
L'établissement comporte une salle de bain spécialisée. Les enfants reçoivent des soins stériles quotidiens. L'équipe cherche à limiter la douleur, en utilisant notamment la distraction, car la brûlure est très douloureuse,. Un casque de réalité virtuelle révèle sont utilité pour les plus grands. Les parents peuvent être présents pendant les soins. Une fois la cicatrisation effectuée, on hydrate, on habille les enfants avec des pansements compressifs pour éviter les complications (cicatrices boursouflées etc.).
Le rôle primordial de l'infirmier
«L'infirmier joue un rôle primordial dans l'accompagnement dans les soins quotidiens mais aussi dans l'éducation thérapeutique des parents et de l'enfant, quand celui-ci est en âge d'apprendre», souligne Mélanie Gacek, coordinatrice infirmière de l'éducation thérapeutique, «parce que la brûlure représente un traumatisme». L'infirmière Maéva Lamour détaille sa mission. «On surveille l'évolution des plaies et adapte les pansements selon les thérapeutiques, en étroite collaboration avec l'équipe pluriprofessionnelle. L'établissement dispose ainsi d'une baignoire et un brancard pour immerger l'enfant. On retire les pansements à ce moment-là pour faire la détersion des plaies. Bien évidemment, nous avons toute une prémédication en amont pour limiter la douleur, avec des thérapeutiques médicamenteuses mais aussi du protoxyde d'azote. On collabore aussi beaucoup avec l'auxiliaire de puériculture pour permettre à l'enfant d'être distrait et ainsi de limiter la douleur». Il est possible d'accueillir les parents pendant ce temps-là s'ils le souhaitent. «Sur toute cette phase là, on retire les pansements, on déterge les plaies, on surveille l'évolution et éventuellement l'apparition de nouvelles plaies pour faire ensuite le relais avec l'équipe de rééducation et médicale dans l'évolution. On passe également dans une deuxième salle pour la réfection des pansements, en collaboration cette fois avec les éducateurs parce qu'il faut que l'enfant puisse bouger. Bien évidemment, ce sont des soins stériles et quotidiens».
Pour la famille, l'accident reste un choc, qui s'accompagne très souvent d'une culpabilité massive. L’enfant doit aussi s’acclimater à sa nouvelle apparence.
«Une fois que les plaies sont cicatrisées, d'autres soins sont réalisés quotidiennement : l'hydratation de la peau, plusieurs fois par jour, comme elle a un aspect sec et cartonné», rapporte encore l'infirmière. «Les enfants portent aussi des pansements compressifs pour limiter le gonflement des cicatrices, l'hypertrophie et la rétraction constituant des complications graves et même parfois un masque compressif, contraignant, puisqu'il faut que les enfants le portent 23 heures sur 24. On les protège également du soleil avec de la crème solaire maximale pour éviter la coloration cutanée mais aussi le risque d'une cancérisation précoce».
La brûlure, un traumatisme pour l'enfant et sa famille
Le suivi psychologique est également essentiel car les familles et l'enfant ont vécu «un traumatisme», explique Mélanie Gacek. «Pour la famille l'accident reste un choc, qui s'accompagne très souvent d'une culpabilité massive. L’enfant doit aussi s’acclimater à sa nouvelle apparence. L'infirmier a donc pour mission d'accompagner l'enfant et sa famille afin qu'ils puissent se réinsérer dans leur vie quotidienne le mieux possible, et de préparer la sortie. On veille aussi à ce que l'enfant garde ses acquisitions, ou les retrouve lorsqu'il les a perdues durant son hospitalisation».
«A travers la salle Snoezelen (une pratique de stimulation multisensorielle accompagnée et contrôlée, visant à éveiller, canaliser ou entretenir la sensorialité de la personne stimulée, dans une ambiance sécurisante) et différents espaces plus cocooning, on travaille la gestion des émotions, et notamment le vécu traumatique, la gestion de la douleur et on enrichit le vécu sensoriel positif», souligne l'infirmière.
Une rééducation centrée sur l'activité
La prise en charge en rééducation est également pluridisciplinaire, avec 4 principaux intervenants qui gravitent autour de l'enfant, l’ergothérapeute qui intervient sur les appareillages de posture, le psychomotricien et le masseur-kinésithérapeute, car l’enfant brûlé doit recevoir une rééducation sensitivo-motrice et enfin l'enseignant en activité physique adaptée, qui introduit une reprise d’activité progressive.
«L'enfant brûlé présente un engagement occupationnel très altérée du fait de la présence des plaies, du vécu traumatique de l'accident mais aussi des soins, donc notre rôle est de proposer une rééducation centrée sur l'activité pour lui permettre de conserver une autonomie maximale», explique véronique Marois, ergothérapeute (activité avec des Lego par exemple). «La psychométricienne propose aussi des parcours ludiques afin d'encourager l'acceptation et l'investissement corporel, de développer la confiance en soi et l'estime de soi et de favoriser l'aisance corporelle».
Après leur sortie, les enfants seront suivis tous les ans jusqu’à leurs 18 ans.
L'établissement compte également trois enseignants en activité physique adaptée «qui disposent d'un grand gymnase, d'un bassin de rééducation, d'une salle de réentrainement à l'effort et d'infrastructures extérieures adaptées et ludiques. L'objectif : stimuler et réadapter les capacités motrices, cognitives et sociales et de proposer un réentrainement à l'effort progressif pour ces enfants qui ont été longuement alités». Enfin, une socioesthéticienne propose des soins esthétiques aux enfants pour diminuer l'aspect inesthétique de leurs cicatrices. Deux salles sont dédiées aux séances d'éducation thérapeutique dispensées à l'enfant et à sa famille, avec des ateliers.
Patient partenaire
Depuis un an, un ancien enfant brûlé devenu patient-partenaire a intégré l'équipe. «Il avait été accueilli dans notre établissement il y a 30 ans et aujourd'hui, il nous aide et aide les jeunes patients en apportant son expérience», se réjouit l'équipe. «Après leur sortie, les enfants seront suivis tous les ans jusqu’à leurs 18 ans», précise le pédiatre brûlologue Mostefa Boulenoir qui conclut : «Bien sûr, le meilleur traitement reste la prévention. Gardez les enfants éloignés de toute source de chaleur, l'eau, la cheminée, les friteuses, faites attention à la température de l'eau du bain, installez des caches-prises, des détecteurs de fumée et rangez les allumettes et les briquets».
*Propos et informations recueillis pour cet article lors du Salon Infirmier qui s'est tenu les 26 et 27 mars 2025 à Paris
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