«On n'est pas là uniquement pour les enfants victimes mais aussi pour les enfants en danger et en risque de danger», explique Katia Laraigné à l'entrée du service des adolescents, une unité fermée, où se trouvent les deux salles qui composent l'UAPED : le bureau des équipes, et la salle d'audition. «Cette unité s'adresse aux mineurs de zéro à 18 ans, envoyés par des professionnels, médecin traitant, travailleurs sociaux, victimes de tout type de négligences, maltraitances, et/ ou violences physiques, psychologiques, sexuelles, dans la famille ou en dehors, ou susceptibles de l'être, et également aux enfants co-victimes de violences conjugales», liste Katia Laraignée. L'infirmière puéricultrice, qui a travaillé 23 ans en Protection Maternelle et Infantile (PMI), a rejoint l'UAPED de l'hôpital Jean Verdier (AP-HP), à Bondy, en Seine Saint-Denis, en janvier 2023.
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Salle d'audition filmée
L'unité existait en réalité depuis 2021 sous le nom d' «équipe mobile de protection de l'enfance» avec des missions de soutien aux équipes de pédiatrie, en consultation, en hospitalisation et à l'accueil des urgences sur le volet de la protection de l'enfance. Un grand travail de coopération a été effectué depuis 2023 pour qu'elle puisse prendre le titre d'Unité d'Accueil Pédiatrique Enfants en Danger et remplir toutes ses missions. Elle dispose désormais d'une salle d'audition filmée où les enfants victimes sont entendus dans le cadre d'une enquête policière. «L'unité a commencé les auditions depuis le mois d'octobre 2024», précise l'infirmière, qui s'occupe de l'accueil des enfants et adolescents entendus par des officiers de police judiciaire. Aujourd'hui, quatre professionnels travaillent à l'UAPED : Dora Bazin, médecin responsable de l'unité, Théa Mayoux et Mathilde Verdon, deux psychologues qui se partagent un temps plein et enfin Katia, l'infirmière puéricultrice.
La toute première audition, c'était une jeune fille de 14 ans, victime de viol, que la police était allée récupérer au collège...
Les UAPED, aujourd'hui implantées dans une centaine de départements et dans 140 hôpitaux sur le territoire, permettent un regard pluridisciplinaire qui améliorer la coordination et l'échange d'informations, qui de fait, rend plus efficace le repérage et la prise en charge des mineurs victimes, grâce au double volet médical et judiciaire. «La toute première audition, c'était une jeune fille de 14 ans, victime de viol, que la police était allée récupérer directement au collège, se souvient l'infirmière. On lui a posé des questions et elle a parlé. Une fois ses révélations recueillies, le parquet a été contacté pour mettre l'adolescente en sécurité. Nous l'avons gardée ici en attendant qu'elle soit prise en charge par l'Aide Social à l'Enfance. Il y a tout un enchaînement qui a fait dire aux équipes : ça sert à ça l'UAPED».
Une unité de temps et de lieu

La salle d'audition n'est pas pour autant «une salle miracle», où l'enfant se sent immédiatement libre de parler, concède Katia Laraigné. Parfois, l'enfant ne parle pas. La présence de soignants représente un soutient. Dans certains cas, les officiers de police peuvent par exemple prendre l'avis des soignants pour orienter l'entretien. C'est d'ailleurs l'un des atouts de ce lieu : rendre possible une prise en charge pluriprofessionnelle et les expertises croisées. «Pour que l'UAPED soit mise en place, il a d'ailleurs fallu travailler sur un protocole de coopération : comment les forces de l'ordre viennent dans l'hôpital, qui fait quoi ? On a mis en place ce protocole, on a eu des comités de pilotage et c'est vrai que les policiers se montrent très satisfaits de ces regards croisés».
On nous appelle pour soutenir une évaluation de situation, pour réfléchir à une situation
Les UAPED évitent surtout à l'enfant d'avoir à se rendre au commissariat pour y être entendu, puis à l'hôpital pour l'examen médico-légal etc, avec tous les retentissements psychologiques associés. L'unité spécialisée permet que celui-ci «soit entendu par une équipe dédiée, une fois, dans un lieu où tout sera rassemblé autour de lui : c'est à dire l'audition, le soin et la prise en compte de cet enfant, dans un lieu sécurisé», résume Katia, rompue aux liens avec les partenaires extérieurs, et qui s'est formée au recueil de la parole de l'enfant à son arrivée à l'UAPED. «J'ai un peu plus de billes aujourd'hui sur l'importance de poser des questions plutôt ouvertes, à ne pas être subjective...» Aujourd'hui elle aimerait se former «au psychotrauma».
Le lundi, jour d'audition

Le lundi est le jour des auditions, le reste de la semaine est consacré à l'écriture de rapports, rédigés par le psychologue ou le médecin, des documents officiels à rendre à l'autorité judiciaire. Katia, elle, se rend dans les services : «On nous appelle pour soutenir une évaluation de situation, pour réfléchir à une situation, je peux aussi être en lien avec les services extérieurs, aider à la rédaction d'informations préoccupantes...En dehors du lundi, consacré aux auditions, je ne sais pas de quoi mes journées vont être faites : mon activité va se dessiner au fil de la semaine, en fonction des enfants qui seront admis à l'hôpital».

Travailler à l'UAPED, c'est avant tout, travailler en équipe. «On se transmets, on parle, on débriefe... tout le temps», tranche Katia Laraignée. «On parle des situations, on met en commun les informations». L'infirmière essaye aussi d'être présente au staff de pédiatrie, pour être informée des situations, pour être identifiée, pour que la parole circule, là encore. Elle assiste aussi tous les matins aux transmissions au sujet des enfants hospitalisés, de ceux qui sont passés aux urgences. Sa présence permet aux professionnels de l'interpeler au sujet d'une situation, d'une interrogation, pour «avoir cette vigilance» et «ça fonctionne très bien», sourit-elle.
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