Prééminence de la lumière naturelle, du calme, fluidité de la circulation, espaces intimistes pour les familles... Le service universitaire de réanimation néonatale du centre hospitalier intercommunal de Créteil (CHIC) a inauguré ses nouveaux locaux au mois de décembre. Avec ses 16 chambres, dont 12 dites «chambres parentales», attenantes à celles des bébés, comprenant un lit double et une salle de bain, il permet à tous les parents de pouvoir rester dormir sur place. «Le service comporte aussi une salle de détente où les familles peuvent se restaurer et accueillir les fratries», détaille encore Gladys, infirmière puéricultrice dans le service. Des lieux étudiés pour donner tout le confort possible aux parents afin qu'ils puissent rester auprès de leur bébé, «un peu comme s'ils étaient à la maison». C'est bien tout l'objectif de cette nouvelle configuration : «le zéro séparation», pour favoriser l'implication des parents «dans les soins, les soins de confort, les soins de peau-à-peau, et en leur permettant de créer le lien avec leur bébé dès le début et 24h sur 24», énumère Élodie, infirmière de longue date dans l'unité, formée à l'accompagnement des parents et aux soins de développement.
Faciliter le quotidien des parents
Le service favorise le rapprochement entre les parents et leur bébé grâce aux chambres mais aussi en leur simplifiant le quotidien, avec par exemple la mise à disposition d'un petit-déjeuner tous les matins pour les familles. «Les parents apprécient aussi énormément d'avoir leur intimité avec une possibilité de se doucher ou de se reposer sur place», précise Gladys. «On a beaucoup de mamans qui ne sont pas en forme après une césarienne par exemple, et elle peuvent aller se reposer tout à côté plutôt que de rester toute la journée assise auprès de leur bébé». Par ailleurs, le nouveau service a été conçu pour réduire les nuisances, et notamment la lumière avec une réduction de la luminosité dans toutes les chambres, mais aussi une réduction du bruit, avec des portes qui se ferment automatiquement, et qui sont silencieuses.
On prend toujours en charge une famille soumise à un stress. D'où l'importance de l'accueil et de faire attention au lien parent/enfant dès le début et dans la durée.
Un accueil sur mesure, dans la durée
Les enfants qui sont hospitalisés dans cette unité sont, lorsqu'ils sont prématurés, accueillis à partir de 23 semaines sur une grossesse qui en compte 37 à 40, ou bien sont nés à terme mais ont des besoin de réanimation. «On sait que le mot même de réanimation, et que l'univers de la réanimation, provoquent une inquiétude assez immédiate. Une naissance prématurée, lorsque c'est le cas, représente aussi la plupart du temps un choc pour les parents. On prend donc toujours en charge une famille soumise à un stress. D'où l'importance de l'accueil et de faire attention au lien parent/enfant dès le début et dans la durée», souligne Gladys.
L'accueil est un moment très particulier à toutes les étapes du parcours. Les infirmières réalisent d'ailleurs souvent plusieurs accueils, au rythme des familles, celui du père seul lorsque la mère est encore en salle de naissance, puis de la maman. Elles présentent le bébé, font visiter le service et expliquent aux parents comment les choses vont se dérouler tout au long de l'hospitalisation. «L'équipe réalise un accompagnement très étroit autour de l'enfant. On explique tout de suite aux parents comment ont va les inclure dans les soins car souvent, ils ne savent pas trop ce qu'ils vont faire pendant l'hospitalisation. Il s'agit ainsi de les rassurer, de leur montrer qu'ils ont leur rôle et leur place ici. C'est d'ailleurs surtout avec eux que l'on va travailler», confie Elodie.
Les soignants enveloppent les parents qui enveloppent leur bébé. Le soignant est là pour aider les parents à créer ce lien avec leur bébé dans ces circonstances assez difficiles.
Au fil des jours, sous l'œil bienveillant des soignants, et avec leur aide, les parents vont apprendre à approcher leur bébé, à le toucher, à réaliser ses soins, à le prendre dans leurs bras, à le nourrir au sein ou au biberon... ainsi associés à un maximum de gestes, toujours dans une démarche individualisée des soins. «J'aime bien l'image des poupées russes. Les soignants enveloppent les parents qui enveloppent leur bébé. Le soignant est là pour aider les parents à créer ce lien avec leur bébé dans ces circonstances assez difficiles», résume Elodie. «On est là pour leur faire prendre conscience que rien ne pourra remplacer leur voix, rien ne pourra remplacer le peau-à-peau avec eux. C'est ce qui va en partie aider leur bébé à grandir.»
Parfois, quand c'est possible, l'accueil commence dès l'anténatal, lorsque les mères sont hospitalisées quelques jours, quelques semaines avant la naissance grâce à la visite d'un pédiatre, parfois accompagné d'une infirmière.
Un travail d'équipe autour du lien mère-enfant
Le travail d'accompagnement se fait dans la durée, essentiellement grâce à l'observation et au dialogue avec les familles (autour du langage spécifique du nouveau-né prématuré). «Parfois, le lien est compliqué», reconnaît Gladys. «Les mères surtout, sont souvent en état de choc de voir leur bébé dans un environnement très médicalisé. A cause de cette anxiété, elles ont parfois du mal à approcher leur nouveau-né, à le toucher, à lui parler. Elles ont aussi souvent en tête un bébé fantasmé, loin du bébé réel, ce qui peut aussi représenter un choc». Les infirmières sont présentes pour accompagner et apaiser les inquiétudes des parents en expliquant le comportement du bébé. «On sent que quelque chose se dénoue à partir du moment où la maman commence à entrer en relation avec son bébé. Les émotions, mélange d'inquiétude, de tristesse, de culpabilité sont souvent au premier plan... et c'est à nous aussi d'accompagner tout cela, en écoutant, en discutant, mais aussi grâce au travail d'équipe, médecins, psychologues, psychomotriciennes...qui entourent autour de la famille».
Une formation des professionnels pour donner des clés aux parents
Depuis deux ans, les équipes médicales et paramédicales suivent un programme de formation en soins de développement, le programme FINE (Family and infant neurodevelopmental education)*. Le but : former toutes les équipes des unités néonatales afin de leur permettre d'acquérir des compétences pratiques en soins de développement centrés sur l'enfant et sa famille, à travers l'observation et l'expérience. «Il faut imaginer que les professionnels de l'équipe partagent ensemble l'observation du tout petit, sur la durée, et qu'ils vont donner des clés aux parents pour qu'ils puissent observer toutes les spécificités de leur bébé prématuré, au niveau physiologique, moteur, du rythme veille-sommeil pour mieux s'ajuster à ses besoins en lui proposant des aides à l’autorégulation comme la succion non nutritive, le grasping, l’enveloppement. On leur transmet également les signes d'approche et de retrait qui sont les signes de bien-être et de stress pour pouvoir aménager ensemble l'environnement et répondre aux besoins spécifiques de leur bébé par exemple s’il grimace parce qu'il a trop de lumière», confient les infirmières. «Le langage du prématuré est tellement spécifique que ce programme va aider à aborder tout ça».
La trajectoire développementale la mieux adaptée pour l'enfant
Cette observation fine, au plus près du bébé, ainsi que sa prise en charge pluriprofessionnelle que ce soit pas des séances de psychomotricité, par la psychologue pour soutenir le lien parents/enfant, les équipes médicales et paramédicales qui gravitent autour de lui, vont permettre d'adapter son environnement et de proposer la trajectoire développementale la plus adaptée à chaque enfant.
C'est donc toute une philosophie de soin qui est à l'œuvre et à laquelle l'ensemble de l'équipe doit être sensibilisée, y compris les médecins. «Chez un tout-petit bébé très techniqué, les études montrent que le peau-à-peau, quand le parent est prêt, est ce qu'on peut lui apporter de maximal en termes de réconfort, donc quand les médecins sont sensibilisés et convaincus de cela, ils vont encourager et soutenir l'équipe dans la mise en place de cette pratique, qui nécessite une organisation vraiment particulière, parfois source de stress», explique Elodie. L'équipe réfléchit aussi ensemble sur le moment opportun de réaliser certains soins. La triade infirmier, médecin, parents observe ensemble le bébé, tout au long de son hospitalisation et jusqu'à sa sortie de l'hôpital. La prise en charge interprofessionnelle à partir de l’observation permet de soutenir les compétences du bébé et de s’adapter à la singularité de chaque famille. «C'est ce qu'on peut lui offrir de mieux», concluent les infirmières.
* Issu du programme NidCap («Newborn Individualized Developmental Care and Assessment Program » ou « Programme Néonatal Individualisé d’Evaluation et de Soutien du Développement »)
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