COUR DE JUSTICE DE LA REPUBLIQUE

Suicides de soignants à l'hôpital : deux ministres visées par une plainte

Publié le 14/04/2025

Une plainte a été déposée en France pour harcèlement moral et homicide volontaire contre les ministres de la Santé, Catherine Vautrin, et de l'Enseignement supérieur, Elisabeth Borne,pour dénoncer des suicides de soignants de l'hôpital public dans un contexte de dégradation des conditions de travail, a annoncé lundi 14 avril l'avocate des plaignants.

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«L'hôpital connaît une crise majeure depuis de nombreuses années qui semble s'être aggravée depuis environ 2012-2013, par l'application continue de politiques publiques néolibérales qui, malgré de nombreux signaux d'alerte particulièrement inquiétants, dont des suicides, n'ont pas été corrigées, bien au contraire», est-il écrit en préambule de la plainte. Déposée jeudi 10 avril auprès de la Cour de justice de la République (cf notre encadré ci-dessous) par 19 personnes - des soignants (infirmière, chef de service, directeur) de toutes les spécialités (pédiatrie, néphrologie, cardiologie, psychiatrie, gynécologie…) et toutes les régions de France ainsi que des veuves ou veufs de professionnels de santé, elle vise du « harcèlement moral, homicides involontaires et violences volontaires ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner et mise en danger de la personne », selon le document révélé par la radio France Inter et le quotidien Le Monde.

Liste macabre 

Le journal Le Monde dresse une liste macabre : «Avant le docteur R., monsieur M., infirmier à l’établissement public de santé d’Alsace Nord (Epsan), un service spécialisé en psychiatrie à Brumath (Bas-Rhin), s’est pendu dans son bureau le 26 janvier 2023. Après le docteur R., madame L., infirmière au centre hospitalier de Béziers (Hérault) s’est donnée la mort à son domicile le 3 juin 2024». Pour tenter de mettre fin à cette « épidémie de suicides à l’hôpital public », note le journal, plusieurs veuves et veufs de médecins ou de soignants ont décidé de « briser l’omerta » en saisissant la justice.

Jurisprudence 

La dégradation des conditions de travail s'est accélérée depuis la crise sanitaire du Covid-19 à partir du printemps 2020, note l'avocate des plaignants, Me Christelle Mazza, qui demande l'application de la jurisprudence France Télécom. Deux anciens dirigeants du géant français des télécommunications (devenu Orange en 2013) avaient été condamnés pour harcèlement moral institutionnel en septembre 2022 par la cour d'appel de Paris. «La jurisprudence France Télécom doit s'imposer aux ministres comme à n'importe quel chef d'entreprise au nom du principe d'égalité devant la loi, en particulier quand il y a de telles atteintes à l'intégrité de la personne», a réagi l'avocate. «N'importe quel chef d'entreprise qui mettrait en œuvre de telles politiques de restructuration massive et répétée comme dans l'hôpital public, avec de telles conséquences sur les conditions de travail, serait déjà condamné et l'entreprise fermée», a-t-elle ajouté. Cette plainte dénonce des «conditions de travail totalement illégales et mortifères», «des rythmes insoutenables» dans différents corps médicaux, spécialités et régions de France, et «l'impunité organisée à l'encontre des auteur des faits».

Comment fonctionne la CJR ? Quel est son rôle ?

La Cour de Justice de la République est une juridiction d’exception habilitée à juger les membres du gouvernement pour les actes commis (crimes et délits) dans l’exercice de leurs fonctions. Elle a été instituée par la loi constitutionnelle no 93-952 du 27 juillet 1993 à la suite de l’affaire du sang contaminé et elle est régie par le titre X de la Constitution du 4 octobre 1958. Ainsi, toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions peut porter plainte auprès d'une commission des requêtes.

Dans cette affaire, l'entourage de Mme Vautrin n'a pas souhaité faire «de commentaire à ce stade». Quant à Mme Borne, elle n'était pas joignable dans l'immédiat. Le ministre délégué chargé de la Santé et de l'Accès aux soins Yannick Neuder est également concerné par les accusations.

La Rédaction d'Infirmiers.com avec l'AFP

Source : infirmiers.com