En France, chaque année, une personne sur cinq est concernée par un trouble psychique, soit près de 13 millions de personnes, rappelle l'Ordre. Dans ce contexte de besoins en constante augmentation, la psychiatrie hospitalière traverse une crise profonde, marquée par une démographie médicale extrêmement tendue. À l’hôpital public, près de 23 % des postes de psychiatres sont vacants. Face à cette pénurie, les infirmiers se retrouvent en première ligne de la prise en soins. Présents au plus près des patients, ils occupent une place essentielle dans la réponse aux besoins en santé mentale et en psychiatrie. Présents en milieu scolaire, en santé au travail, en libéral ou encore dans le secteur médico-social, les infirmiers interviennent dans la détection précoce des troubles, assurent la continuité des soins et participent à la coordination entre les différents professionnels.
Des champs d’intervention variés
Le rôle infirmier en santé mentale est clairement encadré par le Code de la santé publique. L’article R. 4311-69 reconnaît que l’infirmier accomplit, en plus des actes de soins généraux, des soins spécifiques relevant du champ psychiatrique. Il peut notamment réaliser l’entretien d’accueil du patient et de son entourage, conduire des activités socio-thérapeutiques (individuelles ou de groupe), assurer la surveillance en chambre d’isolement, et participer à l’évaluation des engagements thérapeutiques en collaboration avec le médecin et le patient. Toutes ces missions confirment la place structurante de l’infirmier dans le parcours de soins en santé mentale.
Depuis la réforme de 1992, la formation infirmière repose sur un socle polyvalent orienté vers les soins généraux mais, pour l'Ordre, cette base reste insuffisante au regard des enjeux actuels. Il recommande ainsi un renforcement de la formation théorique en santé mentale et en psychiatrie dès la formation initiale. Il plaide notamment pour un recours accru à la simulation clinique, un outil pédagogique qui permet de mieux préparer les futurs professionnels à des situations complexes. L’Ordre insiste également sur la nécessité de consolider les apports des sciences humaines, telles que la psychologie et la sociologie, afin de mieux comprendre les déterminants sociaux et individuels des troubles psychiques.
L’Ordre souligne également l’importance de développer les équipes mobiles pluriprofessionnelles afin d’aller vers les publics les plus éloignés du système de soins comme les personnes âgées, les sans-abris, les détenus, ou les personnes en situation de handicap ou les migrants. Dans cette logique, des formations spécifiques doivent aussi être déployées à destination des infirmiers scolaires et des infirmiers en santé au travail, souvent confrontés à des situations de souffrance psychique sans disposer des outils adaptés.
Améliorer la coordination
La coordination des parcours constitue un autre axe fort des recommandations de l’Ordre. Ce dernier encourage la mise en place de plans personnalisés de santé, s’appuyant notamment sur le rôle de l’infirmier coordonnateur ou de l’infirmier référent clinique. L’objectif est de réduire les ruptures de parcours et d’assurer une meilleure articulation entre les différents acteurs. Le développement du modèle libéral de l’infirmier en pratique avancée en santé mentale est également présenté comme une réponse possible aux difficultés d’accessibilité aux soins.
Une reconnaissance infirmière fébrile
Malgré ces évolutions, la reconnaissance du rôle des infirmiers en santé mentale demeure encore partielle selon l’Ordre. La récente reconnaissance législative de la consultation infirmière, dans le cadre de la refonte du métier, constitue une avancée majeure mais elle doit être pleinement exploitée. L'Ordre appelle à des campagnes de sensibilisation auprès du grand public afin de mieux faire connaître les compétences des infirmiers en matière d’écoute, de prévention, de repérage et d’accompagnement en santé mentale.
Enfin, il insiste sur la nécessité d’intégrer systématiquement les infirmiers dans les politiques territoriales et stratégiques de santé. Leur présence au sein des projets territoriaux de santé mentale, des communautés professionnelles territoriales de santé, des conseils locaux et territoriaux de santé, ainsi que dans les dispositifs pilotés par les agences régionales de santé, est indispensable. Pour son Conseil national, l’Ordre ne peut se limiter à un rôle consultatif et doit être reconnu comme un acteur politique, stratégique et décisionnaire à part entière. À l’heure où les besoins explosent et où les ressources médicales s’amenuisent, la place des infirmiers apparaît plus que jamais comme un maillon indispensable de la réponse en santé mentale.
Sources :
Conseil national de l’Ordre des infirmiers, Position et recommandations sur la prise en soins en santé mentale et en psychiatrie : https://www.ordre-infirmiers.fr/position-et-recommandations-du-conseil-national-de-l-ordre-des-infirmiers-sur-la-prise-en-soins-de
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