ÉTUDE

Cancer : le handicap psychique, cause d'inégalités d'accès aux soins

Publié le 25/08/2025

Messages de prévention inadaptés, personnels peu ou pas formés, maladresse ou maltraitance de la part des soignants... une étude pointe les obstacles auxquels les personnes atteintes de cancer qui souffrent de handicap psychique sont confrontées dans leur parcours de soin.

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Crédit photo : BURGER / PHANIE

Un accès à la prévention et aux soins plus compliqué mais, paradoxalement, plus de résilience face à la maladie. C’est le constat que dressent les résultats d’une étude, présentés le 20 août dernier, menée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), en partenariat avec plusieurs autres acteurs académiques, médico-sociaux et associatifs*, sur la prise en charge des patients en situation de handicap psychique atteints de cancer. L’objectif : définir et observer les liens « que le handicap psychique entretient avec l’expérience cancéreuse soupçonnée ou diagnostiquée - et plus généralement avec la santé somatique. » Elle s’appuie sur une double focale : l’analyse des trajectoires de la santé et du handicap, d’une part, et celle des limites qui caractérisent la prise en soin et la participation à la vie sociale. Les enjeux de santé publique qui la motivent sont de taille : le handicap psychique est reconnu par la Sécurité sociale comme la première cause d’invalidité – on estime à 3 millions le nombre de Français qui en souffrent – tandis que le cancer représente la première cause de mortalité, rappelle-t-elle ainsi en introduction.

Des populations exposées à des vulnérabilités spécifiques

L’étude constate des dépistages plus tardifs qu’au sein de la population générale, qui entraîne de facto une surmortalité chez ces personnes, par ailleurs plus exposées aux facteurs de risque (modes de vie impliquant des conduites individuelles à risque, inobservance des traitements…).

Elle pointe plusieurs freins à cette prise en charge : absence d’information et de formation sur les cancers chez les personnels qui les prennent en charge au quotidien, invitations aux dépistages qui sont adressées aux tuteurs et non pas directement aux personnes, anxiété face aux examens. Quant à la prévention, elle se cantonne souvent au seul dépistage ou, quand elle est plus volontaire, les messages transmis sont identiques à ceux diffusés auprès de la population générale. Et ne sont donc pas adaptés à ces personnes atteintes de handicap psychique pour lesquelles, une fois qu’elles sont intégrées dans un parcours de soin, réclament plus de temps. « Il en résulte que de nombreux obstacles rendent difficile le suivi et en amont la démarche de prévention. Ces obstacles résident tant dans les difficultés pour les professionnel.les d’expliquer les enjeux de prévention aux résident.es et d’expliciter les tenants et les aboutissants de la prise en charge en adaptant leur propos aux facultés des usager.es ; qu’aux difficultés des résident.es de saisir ce qu’est le cancer et d’assimiler les informations communiquées. » Enfin, ces patients peuvent être confrontés à des « maladresses » ou à de la « violence » de la part des soignants (discours adressés uniquement aux accompagnateurs, manque ou trop plein d’information…). S’y ajoute le fait qu’ils sont parfois perçus comme « dérangeants » pour les autres patients.

En résulte que « à prévalences comparables à celles de la population générale, les dépistages sont généralement insuffisants, les diagnostics globalement tardifs, les prises en charge peu ou prou inadaptées et les chances de guérison moindres », en conclut l’étude.  Pour autant, paradoxalement, une fois diagnostiquées, ces personnes font globalement preuve de plus résilience que dans la population générale. « Le handicap psychique apparait comme une ressource. Et pour cause… le cancer diagnostiqué vient matérialiser "une vraie maladie [qui] n’est plus que dans leur tête". Mais l’enjeu se déplace dès lors qu’il s’agit de saisir le défi de la prévention qui, de toute évidence, ne peut se réduire au dépistage », indique-t-elle.

Des pistes pour améliorer la prise en charge

Pour réduire les inégalités d’accès aux soins, l’étude identifie plusieurs leviers :

  • Développer une information en santé adaptée
  • Renforcer la coordination entre champs somatiques et psychiatriques
  • Former les soignants aux spécificités du handicap psychique
  • Créer des référents parcours pour fluidifier les liens entre services hospitaliers et structures médico-sociales.

Accéder à la synthèse des résultats de l'étude

*L’université Saint-Étienne (Loire), Aix-Marseille Université (Bouches-du-Rhône), l'Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques, l'Institut Bergonié (Gironde), l'Institut Camille-Miret (Haute-Garonne), l'Association régionale pour la sauvegarde de l'enfant, de l'adolescent et de l'adulte, l'Association de recherche et d'étude sur la santé, la ville et les inégalités, la Fédération Occitanie Roussillon des maisons de santé pluriprofessionnelles, la Fédération de l'exercice coordonné pluriprofessionnel, et l'agence Les trois petits points (anciennement agence Diode).

La Rédaction d'Infirmiers.com

Source : infirmiers.com