Alors que la proposition de loi sur la profession d’infirmier, très attendue, sera soumise au vote de l'Assemblée le 10 mars prochain, le Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI a été auditionné, mardi 25 février, par la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée nationale. A l'issue de cette audition, le syndicat propose quatre amendements au texte, qu'il détaille dans un communiqué. Des suggestions qui vont dans le sens d'une plus grande autonomie infirmière et d'une pleine reconnaissance de son expertise, dans l'intérêt du patient et de l'accès aux soins selon le syndicat.
L'infirmière, une professionnelle de santé "à part entière"
Première suggestion : le syndicat souhaite voir l'infirmier s'émanciper de la tutelle des médecins, par «la reconnaissance réelle de l’infirmière comme professionnelle de santé».
L’alinéa 7 stipule que l’infirmière « prescrit les produits de santé et examens complémentaires nécessaires à l’exercice de sa profession. La liste de ces produits de santé et des examens complémentaires est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale pris après avis de l’Académie de médecine. » Nous sommes une profession réglementée, avec un Ordre, et un champ autonome. Il nous parait donc indispensable de remplacer cet avis par celui de la HAS, institution plus à même de rendre un avis sur la profession infirmière. (...) L'infirmière n'est pas une simple «auxiliaire médicale», c'est une professionnelle de santé à part entière. Cette loi se veut être une loi de reconnaissance de la profession infirmière, il est donc important de la soumettre à un avis d’une autorité transversale indépendante, et visant l’intérêt général de la population plus qu’à cette autorité médicale.
Deuxièmement, dans la seconde mission de l’infirmière doit être complétée par l’orientation. Notre second amendement, est donc de compléter l’alinéa 10 par « 2° Contribuer à la coordination, à l’orientation et à la mise en œuvre du parcours de santé de la personne ». D’une part, coordonner les soins sans pouvoir ensuite orienter le patient vers un autre professionnel de santé, notamment quand il faut avoir accès à un pallier de compétences supérieures comme le médecin spécialiste serait un vrai frein à l’accès aux soins. Lorsque l’infirmière repère les signes avant-coureurs d’une dégradation de l’état de santé, elle doit pouvoir mobiliser les ressources nécessaires : soit faire appel à un professionnel plus qualifié, comme le médecin, soit à un autre professionnel plus spécialisé (kinésithérapeute, ergothérapeute, diététicienne, assistante sociale...).
D’autre part, reconnaitre une compétence infirmière relative à l'orientation des patients est indispensable pour assurer la prise en soin et le maintien des personnes âgées à domicile, en s’appuyant sur les 140 000 infirmiers libéraux, derniers professionnels de santé à se rendre chaque jour au domicile des patients, mais aussi sur les infirmiers en établissement notamment en EHPAD. «Cette expertise clinique, liée aux compétences mobilisées lors de la formation, et fruit d’années d’expérience, permet d’anticiper les complications», note le syndicat. (...) «En reconnaissant officiellement ce rôle d’orientation, nous apportons une réponse immédiate aux problématiques d’engorgement et d’inégalités d’accès aux soins».
Reconnaissance du rôle relationnel, essentiel
Troisièmement, reconnaitre en 5ème mission notre rôle relationnel spécifique. Notre troisième amendement est donc d’insérer après l’alinéa 12, l’alinéa suivant « 5° Dispenser les soins relationnels permettant d'apporter un soutien psychologique et un support thérapeutique. Le soin relationnel s’inscrit dans une prise en charge globale du patient. »«Les soins relationnels sont centraux dans la pratique infirmière. Ils sont juste cités dans la première mission, toutefois il semble important d’en faire une mission à part entière pour lui donner sa juste place», suggère le syndicat. «La proposition de loi énumère aujourd’hui seulement quatre missions principales pour les infirmières : soins techniques, coordination, prévention et formation. Mais où est la relation d’aide ?» Une cinquième mission qui, selon le SNPI, «manque cruellement» dans la proposition de loi. «La relation d’aide ne se limite pas au réconfort. Elle joue un rôle fondamental dans la compréhension des traitements et l’adhésion du patient à son parcours de santé».
Une durée de formation adaptée pour intégrer les compétences en santé publique, renforcer la prévention et assurer un meilleur accompagnement des étudiants en souffrance par un tutorat sur un temps dédié
Renforcer la formation avec une année supplémentaire en IFSI
Quatrième point, passer à 4 années d’études pour renforcer la professionnalisation. Notre quatrième amendement est donc d’insérer après l’alinéa 15 l’alinéa suivant :« Un décret en Conseil d’État précise les modalités de formation initiales des infirmiers sur 4 années dont une de professionnalisation ». La formation infirmière en Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) reste limitée à trois ans. Mais trois années ne suffisent plus à couvrir les besoins complexes de notre époque. Pourtant, une simple année de professionnalisation pourrait tout changer. Comme la plupart des pays européens, nos voisins l'ont compris. En Espagne, au Portugal, en Belgique, la formation dure déjà quatre ans. Et les résultats sont là : plus d'autonomie, des soins de meilleure qualité. (...) «Avec en moyenne 36 000 étudiants admis en IFSI versus seulement 26 000 validant leur diplôme d’état, suivi d’un constat de 50% d’infirmières diplômées quittant l’exercice hospitalier au bout de 10 ans de diplôme, il faut agir pour inverser cette perte de ressources et garantir un temps d’exercice plus long. L’allongement de la formation initiale à quatre ans pourrait changer la donne», assure le syndicat. Une durée adaptée pour intégrer les compétences en santé publique, renforcer la prévention et assurer un meilleur accompagnement des étudiants en souffrance par un tutorat sur un temps dédié, avec un compagnonnage lors des stages. Une quatrième année de professionnalisation sur le modèle du « docteur junior » pour consolider l’apprentissage académique et pratique en milieux cliniques, leviers d’employabilité et de fidélisation. Augmenter le temps de formation théorique et pratique en 4 années universitaires va soutenir le processus de professionnalisation et d’acquisition des compétences ciblées pour être Infirmière généraliste :
- Pour étaler sur une année supplémentaire en programme trop dense : 4600 heures sur 3 ans, c’est trois fois plus qu’une licence classique (1500 à 1800h sur 3 ans). Cette pression ans concoure aux difficultés des étudiants d’assimiler les connaissances, ce qui entraine de nombreux abandons en cours de formation
- Pour intégrer les compétences nouvelles reconnues dans la réglementation (exemples : prescription vaccinale ou substituts nicotiniques)
- Pour compenser les manques actuels d’enseignements académiques et cliniques, notamment en psychiatrie et santé mentale, en santé des enfants, de la famille et en pédiatrie, sur les soins critiques.
Cette modification est notamment recommandée par le Conseil National Professionnel Infirmier (CNPI) dans son Livre Blanc, et a fait l’objet de la tribune infirmière signée par 19 organisations infirmières publiée dans la presse en octobre dernier. Face aux besoins croissants de la population, le modèle de formation en trois ans ne permet plus de répondre pleinement aux exigences de la profession. Passer à quatre années d’études offrirait aux infirmières généralistes une montée en compétences essentielle, notamment en santé publique, en prévention et en gestion des parcours complexes.
Le SNPI conclut son communiqué en appelant à porter ces amendements dans les débats parlementaires, «afin de donner aux infirmières les moyens d’assurer pleinement leur rôle, pour répondre aux besoins de santé de la population».
Le Syndicat National des Professionnels Infirmiers SNPI a été auditionné le 25.02.25 par la Commission des Affaires Sociales de l’Assemblée nationale, pour l’examen de la proposition de loi sur la profession d’infirmier (n° 654). Lors de cette audition animée par la Rapporteure, Mme Dubré-Chirat, députée du Maine- et-Loire, le SNPI était représenté par des membres du conseil national, Anne LARINIER, Cathie ERISSY, Thierry AMOUROUX et François MARTINEAU, de divers types d’exercice infirmier.
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