PÉRINATALITÉ

Moratoire sur les maternités : l'indignation des professionnels en périnatalité

Publié le 18/06/2025

Dans un communiqué commun, sept sociétés savantes s'érigent contre le moratoire de 3 ans adopté à l'Assemblée nationale. La proposition de loi qui le porte ne fait que répondre à des préoccupations électorialistes, loin des besoins du terrain et des patientes et de leurs nourrissons, dénoncent-elles.

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La proposition de loi imposant un moratoire de 3 ans sur les fermetures de maternités adoptée le 15 mai 2025 ne convainc pas les professionnels de santé. Loin de là. Dans une tribune publiée dans Le Monde le 26 mai, la Société française de néonatalogie et la fondatrice de l’association SOS Préma pointaient « une erreur d’analyse » ne permettant pas d’enrayer la mortalité infantile. Le 2 juin, c’est le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHARE) qui dénonçait une loi « purement électorialiste », imaginée « sans concertation avec les professionnels ». Un argument repris par 7 sociétés savantes de la périnatalité* pour exprimer leur opposition à la mesure. « Nous, professionnels de terrain et chercheurs spécialistes de la périnatalité, avons été unanimement indignés par l’adoption à l’Assemblée nationale d’une proposition de loi qui, sous prétexte de lutter contre la mortalité infantile, vise à imposer un moratoire sur les fermetures des maternités publique », taclent-elles ainsi en préambule de leur communiqué commun, diffusé mardi 17 juin.

Une loi qui met femmes et nourrissons en danger

Elles fustigent une loi qui, en interdisant la fermeture des maternités en sous-effectif ou qui manquent de certaines essentielles du fait du nombre trop faible d’accouchements, mettrait en danger la vie des femmes et des nouveau-nés. Elles y voient un « opportunisme politique » sur un sujet éminemment grave : « en France, un décès néonatal survient désormais toutes les 3 à 4 heures et un décès maternel tous les 3 à 4 jours », indiquent-elles. « On ment aux femmes et aux familles en leur faisant croire que la fermeture des petites maternités est la cause principale de l’augmentation de la mortalité infantile, alors que les pays qui, en Europe, ont les taux les plus bas sont justement ceux qui ont regroupé de façon volontariste leurs moyens dans des établissements assurant une sécurité optimale. » Privilégier la proximité aux dépens de la sécurité des femmes et des nourrissons, c’est se tromper de combat, estiment les signataires, les risques encourus en cas de complication menaçant d’être moins bien pris en charge dans les petites structures, où personnels et moyens font défaut.

Un appel à travailler avec les professionnels

Et puis, il y a cette absence totale de concertation avec les professionnels de santé concernés, qui alertent pourtant depuis des années sur la dégradation de la mortalité infantile et la stagnation de la mortalité maternelle dues aux manques de ressources humaines. Selon la dernière étude de l’Institut national d’études démographiques, la France se classe parmi les derniers pays européens en matière de mortalité infantile, avec un taux de mortalité de 4,5% chez les garçons et de 3,7% chez les filles. « Ce moratoire est l’exact contraire de ce que préconisent les professionnels de terrain, c’est à dire : planifier le regroupement des plateaux d’accouchements, afin d’offrir à chaque femme et à chaque nouveau-né un niveau optimum de soins ; multiplier en même temps les Centres Périnataux de Proximité, afin d’assurer le suivi pré et post-natal au plus près du domicile des  femmes », s’indignent-elles.

Et d’accuser enfin les élus de démagogie, de vouloir « donner l’illusion » d’agir, quand ils négligent par ailleurs les deux rapports, du Sénat et de la Cour des compte, qui appelaient en 2024 à transformer l’offre globale des maternités, quitte à fermer celles où qualité et sécurité des soins ne peuvent être pleinement assurées. « Si ce moratoire était définitivement adopté il entérinerait l'échec de la politique de périnatalité française et reviendrait à assumer politiquement - en toute conscience – la survenue d’un décès néonatal toutes les 3 à 4 heures et d’un décès maternel tous les 3 à 4 jours dans notre pays », préviennent-elles. Elles en appellent donc au Sénat pour qu’il rejette le moratoire, recommandant bien plutôt de réaliser un audit de l’offre de soins périnatals (cartographie des plateaux techniques, diagnostics des besoins et des risques…) et d’engager ensuite une transformation s’appuyant sur cette base. 

Accéder au communiqué

*La Société française de médecine périnatale (SFMP), le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), la Société française des anesthésistes réanimateurs (SFAR), la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité (FFRSP), la Société française de pédiatrie, la Société française de néonatologie (SFN) et le Collège d’anesthésie-réanimation en obstétrique (CARO).

La Rédaction d'Infirmiers.com

Source : infirmiers.com