MOBILISATION

S'engager pour la profession infirmière, un moyen d'agir et de retrouver du sens

Par
Publié le 28/04/2025

Nombre d'infirmiers choisissent de s'engager, en plus de leur exercice professionnel, dans des associations, des syndicats ou des institutions afin d'œuvrer plus largement pour la profession. Quatre d'entre eux témoignent.

mains qui se touchent, groupe, solidarité

Intégrer un réseau de soin ou une association, être élu à l’Ordre national des infirmiers ou dans une instance institutionnelle… les voies de l’engagement qui sont ouvertes aux infirmiers auprès de leurs collègues sont multiples, à défaut d’être toujours très bien identifiées. S’engager, comme l’a rappelé Sandrine Naveilhan, infirmière et administratrice et élue mutualiste à la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH) lors d’une table ronde organisée au Salon infirmier 2025*, c’est « reprendre son rôle de citoyen ». De fait, dans un quotidien de soignant souvent compliqué, c’est également une bouffée d’oxygène, voire une manière de retrouver du sens dans son exercice professionnel. Mais quelles autres raisons poussent les professionnels de santé à s’engager? Et comment y parvenir, quand le quotidien est parfois déjà plus que chargé ?

Les formes multiples de l'engagement

« Je me suis engagée pendant chacune de mes années de formation, d’abord durant ma première année en association étudiante humanitaire qui organisait des collectes de produits hygiéniques, se remémore Ilona Denis, l’actuelle présidente de la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI)Ce qui m’a plu, c’est le concret. On me demandait d’organiser la collecte, de ramener les produits dans l’épicerie pour les étudiants. » Pour Sandrine Naveilhan, c’est le syndicalisme qui l’a menée à se présenter comme élue mutualiste. Car à l’origine de chaque engagement, il y a en premier lieu une envie ou un questionnement personnel.

Je me suis engagé pour les professionnels de santé, mais pas seulement, car il y a aussi les patients. Il n’y a pas de hiérarchie dans nos engagements. (Antony Ricci, vice-président de l’Ordre des infirmiers)

Antony Ricci, infirmier libéral, est lui vice-président de l’Ordre des infirmiers, une fonction qui découle de plusieurs années d’engagement débutées par une implication dans les réseaux diabète à l’hôpital puis dans les maisons pluriprofessionnelles dès lors qu’il a commencé à exercer en ville. Et s’il s’engage auprès des infirmiers, c’est aussi pour pouvoir le faire en bout de file auprès… des patients. « Quand je me suis installé en libéral, je me suis engagé dans un projet de maison pluriprofessionnelle, avec cette idée émergente sur le parcours des patients. Donc je me suis engagé pour les professionnels de santé, mais pas seulement, car il y a aussi les patients, témoigne-t-il. Il n’y a pas de hiérarchie dans nos engagements. »

On peut commencer petit, ça peut vous prendre 20 minutes sur une année (Marie-Astrid Meyer, cheffe de mission à la DGOS) 

Et ceux-ci peuvent prendre des formes multiples, sans être nécessairement chronophages. « Cela ne nécessite pas d’avoir un mandat de président », réagit en effet Marie-Astrid Meyer, infirmière en pratique avancée (IPA) et cheffe de mission dans la PA et protocole de coopération à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). « Ça peut passer par l’écriture d’un article, qui va vous ouvrir un réseau », tout comme s’impliquer dans une association ou un syndicat. « On peut commencer petit, ça peut vous prendre 20 minutes sur une année », fait-elle valoir. Avec, au bout, une finalité : faire connaître le quotidien des professionnels.

Je voulais apporter un œil pratique, venu du terrain (Sandrine Naveilhan, administratrice et élue de la MNH)

Remonter les préoccupations du terrain aux institutions et aux décideurs

Car au cœur de l’engagement de Marie-Astrid Meyer, il y avait d’abord la volonté « d’apporter la vision d’une IPA au sein d’une administration, de rendre le droit compréhensible. » Et pas n’importe quelle administration puisque c’est à la DGOS que s’élaborent les textes réglementaires qui encadrent la profession d’infirmier. Mais le droit peut s’avérer en complet décalage avec les attentes des professionnels, d’où l’importance d’intervenir quand l’on vient du terrain. « En ayant cette valence infirmière, on voit ce que tel mot donne sur le terrain, et on voit que ça ne marche pas », illustre-t-elle.

Le besoin de faire remonter les préoccupations du terrain aux institutions et aux décideurs, qu’ils soient publics ou privés, représente d’ailleurs l’un des moteurs principaux des quatre intervenants. « Je voulais apporter un œil pratique, venu du terrain », confirme Sandrine Naveilhan, qui utilise son rôle d’élue mutualiste pour dire comment les choses se déroulent dans les services. « Quand je suis entrée dans la mutuelle, la culture et la connaissance des hospitaliers y était minime. Ce n’était pas possible », surtout au regard des difficultés qu’ils rencontrent au quotidien..

Pour Ilona Denis, il s’agissait de témoigner de son expérience d’étudiante, dans une filière qui est malmenée, entre poids de la formation et dégradation des conditions de stage qui épuisent les étudiants infirmiers et détériorent leur santé. « Quand on est dans la formation, on sait ce qui se passe parce qu’on y est confronté », souligne-t-elle. « Il y a des jeunes qui s’engagent pour leurs pairs, pour dire qu’ils existent et qu’ils ont des besoins. » Et parallèlement, engagement et pratique s’enrichissent l’un l’autre. « Mon exercice de terrain me permet d’aller plus avant dans mon engagement, d’être au plus juste. Il y a un lien constant entre les deux », confirme Antony Ricci.

Avoir du sens, c’est notre leitmotiv. Notre engagement provient d’une dynamique consacrée à donner du sens.

Un moyen d'agir et de retrouver du sens

De là surgit également un autre élément que nombre de soignants ont perdu et souhaiteraient retrouver : le sens. « Avoir du sens, c’est notre leitmotiv. Notre engagement provient d’une dynamique consacrée à donner du sens », explique en effet Antony Ricci. Il prend ainsi l’exemple de la lutte contre les violences faites aux soignants enclenchée par l’Ordre des infirmiers. Sandrine Naveilhan fait le même constat. L’engagement représente « une bouffée d’oxygène » dans son quotidien de soignante, mais il est aussi un moyen « de retrouver du sens » quand beaucoup d’autres professionnels de santé l’ont perdu

Le fait de s’engager, c’est un moyen de rester accrochée à la réalité, de faire quelque chose.

Quant à Marie-Astrid Meyer, elle met en avant le fait de « travailler pour demain » et reconnait que son engagement a été salvateur. « Au bout de 5 ans, avec le manque de reconnaissance et le rythme de travail », elle a fini par s’interroger sur ce qu’elle souhaitait réellement pour sa carrière, révèle-t-elle. « Le fait de s’engager, c’est un moyen de rester accrochée à la réalité, de faire quelque chose. J’ai fait la découverte d’un univers complètement inconnu, avec des professions complètement différentes mais qui sont toutes là pour la même chose. »

Accéder à de nouvelles compétences

Et c’est là l’autre avantage que les 4 intervenants tirent de leur engagement : une opportunité d’acquérir de nouvelles connaissances et compétences. L’IPA s’est ainsi initiée au droit – « c’est la base de notre métier », déclare-t-elle – et a appris à s’approprier la hiérarchie des normes. « On aime dire qu’on s’engage pleinement mais ça nous apporte des compétences complémentaires à notre formation : prendre la parole en public, mieux rédiger un mémoire car nous écrivons beaucoup de documents, ou mieux construire nos idées », liste Ilona Denis de son côté.

Il n'y a rien de mieux que de ne pas laisser les autres faire les choses à sa place. L’engagement amène l’engagement. 

L’engagement au sein d’une association étudiante comme la FNESI s’accompagne également d’une plus grande conscience de l’écosystème – politique, économique, social – dans lequel les infirmiers évoluent. « On se rend compte de tout ce qui se joue, comme au niveau de la DGOS, qu’il y a des choses qui se font partout et qui vont faire bouger notre profession. » « J’ai dû me former à des choses à 10 000 lieues de mon exercice professionnel. Mais toute formation ne peut qu’enrichir », ajoute Sandrine Naveilhan, qui estime que cela permet en retour d’exercer autrement, d’adopter une posture soignante différente.

Reste enfin que s’engager, c’est aussi pouvoir partager sa propre vision des choses. « Il n'y a rien de mieux que de ne pas laisser les autres faire les choses à sa place. L’engagement amène l’engagement », conclut Antony Ricci.

*Qui s’est tenu les 26, 27 et 28 mars à Paris.


Source : infirmiers.com