«Nous sommes là pour protester contre la façon dont le ministère entend régler la question de l'école». A l'appel de quatre organisations syndicales représentantes majoritaires des infirmières, assistantes et conseillères de service social et psychologues de l'Éducation nationale, des professionnels venus de toutes la France ont manifesté ce mardi 10 juin depuis l'Assemblée nationale vers l'Éducation nationale où une délégation a demandé à être reçue par la ministre de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur, Elisabeth Borne. Lors d'une conférence de presse, la veille, mardi 10 juin, les quatre organisations ont fait part de leur préoccupation après les Assises de la Santé Scolaire, qui se sont déroulées le 14 mai et qui n'ont pas débouché sur une réponse à la hauteur selon elles.
Pour rappel, parmi les mesures annoncées : dès la rentrée 2026, tous les élèves de six ans devront bénéficier d'une «analyse personnalisée de leur situation de santé» alors que la visite médicale ne concerne aujourd'hui que 20% des élèves de cet âge. Dès juin 2025, les élèves en fragilité pourront bénéficier d'un système de «coupe-file» pour accéder en priorité aux centres médico-psychologiques. Dans chaque lycée, collège et circonscription, seront aussi formés deux «personnels-repères» en santé mentale d'ici la fin de l'année scolaire 2026. Dans un contexte de manque de médecins, avec 40% de postes vacants dans l'Education Nationale, la ministre a aussi évoqué une volonté de «revaloriser et de fluidifier» leurs carrières ou encore des renforcer «les effectifs d'infirmiers et de psychologues de l'Education nationale». Deux points qui restent néanmoins flous, et qui feront l'objet de négociations lors de la préparation du projet de loi de finances 2026. «Nous sommes réunis aujourd'hui pour dénoncer une réforme de la santé scolaire qui tourne le dos aux besoins des élèves, aux réalités du terrain et aux attentes des familles, ainsi qu'à l'expertise des professionnels qui assurent leur mission avec humanité, engagement et responsabilité», a tancé Mathilde Varrette, infirmière de l'éducation nationale et Secrétaire générale adjointe du SNICS FSU.
Une question de "moyens" et de "volonté politique"
Les infirmières de l'Education Nationale et de l'Enseignement Supérieur se joignent à leurs collègues psychologues scolaires et aux assistants sociaux pour réclamer des moyens qui leur permettront de répondre aux besoins des élèves. «Au moment où les inégalités sociales de santé explosent, où la santé des jeunes se détériore à un rythme alarmant, le gouvernement choisit de recentrer la santé à l'école autour d'un pilotage technocratique, médico-centré, coupé du terrain et sourd à la parole des professionnels», a encore regretté la représentante infirmière au côté de ses collègues assistants sociaux et psychologues. De concert, les professionnels ont dénoncé une réponse «très médicale» et qui intervient surtout très tard, en lieu et place d'un accompagnement sérieux des élèves et de la prévention plus que nécessaire. Les professionnels ont surtout pointé du doigt la question des moyens, celle de la reconnaissance et de la «volonté politique», aujourd'hui urgente pour répondre au mal être profond des jeunes générations.
Mathilde Varrette a également évoqué «le silence assourdissant» de la ministre de l'Education, Elisabeth Borne, vécu «comme une humiliation de trop» par les professionnels. «Le pilotage départemental proposé n'est pas un renforcement de la santé scolaire, mais un renforcement du contrôle administratif. C'est la création d'une bureaucratie supplémentaire pour des professionnels déjà sous tension. C'est un basculement vers la départementalisation qui ouvre la voie à un transfert des personnels de santé vers les collectivités locales. Cela signifie l'éclatement des missions, la perte d'indépendance, le risque d'inégalité territoriale accrue».
Madame la ministre, vous ne pouvez réarmer la santé à l'école sans nous. La santé à l'école, c'est avec nous.
Un manque criant de professionnels à l'école
Rappelant les chiffres : 7 800 infirmières de la maternelle à l'Université, Mathilde Varrette a estimé qu'il faudrait plus de 15 000 postes supplémentaires pour couvrir les besoin de la maternelle au lycée. Lors des Assises de la Santé Scolaire, la ministre de l'Education nationale Elisabeth Borne avait annoncé vouloir améliorer la santé et le bien-être à l'école, mettant l'accent sur une meilleure prise en charge de la souffrance psychique des élèves. Pourtant, les mesures annoncées relevaient davantage du «cache-misère» pour les syndicats infirmiers. «Nous le réaffirmons, la santé à l'école ne peut pas reposer sur une vision médicale, hygiéniste et descendante. Elle doit être construite par des équipes plurielles, complémentaires, engagées dans une logique de co-construction. Ce n'est pas une organisation verticale et centralisée qui répondra aux besoins des jeunes, mais des moyens pour les professionnels de terrain. Il est temps de reconnaître nos professions, à très large majorité féminine, marquées par un engagement quotidien, des conditions de travail difficiles, un manque criant de moyens et une détérioration alarmante de l'état de santé des professionnels. Dans un pays qui revendique l'égalité femmes-hommes, qui peut encore tolérer que ces professions restent en marge de la juste reconnaissance de leur utilité sociale et de leur responsabilité ? L'enjeu est immense. La santé des jeunes, leur avenir, leur place dans la société».
Une revalorisation salariale et un réel statut pour les infirmières scolaires
Au-delà des moyens humains, les professionnels ont appelé à une véritable reconnaissance. «Madame la ministre, vous ne pouvez réarmer la santé à l'école sans nous. La santé à l'école, c'est avec nous», a lancé Mathilde Varrette, réclamant «des mesures immédiates», au premier rang desquelles «des créations de postes. Il manque plus de 15 300 emplois infirmiers pour pouvoir répondre aux besoins des jeunes. Nous demandons un vrai statut. Suite au Master, à la reconnaissance par les parlementaires d'une véritable spécialité infirmière de l'Education nationale, il nous faut maintenant avoir un réel statut. Nous demandons également une revalorisation salariale», a-t-elle lancé, estimant l'écart à 600 euros par mois entre les infirmières et les autres personnels agents de la même catégorie avec le même niveau de responsabilité. «Il faut réduire ces inégalités».
L'ensemble des professionnels ont également rappelé que, loin d'une logique comptable, les enfants, les adolescents, révélaient parfois un mal être, une agression, des troubles, à leur rythme. La présence de professionnels de proximité, disponibles sur le terrain, formés et à l'écoute est donc irremplaçable, ont-il martelé, pour recueillir leur parole et les accompagner au plus près dans des situations parfois très complexes, pour assurer, enfin, un rôle humain de prévention et de protection essentiel.
Retrouvez ici les mesures annoncées par le ministère de l'Education Nationale en faveur de la santé scolaire.
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