TENSIONS ESTIVALES

Aux urgences, un filtrage des patients délétère par manque de personnel

Publié le 19/08/2025

Canicule et manque de moyens et de personnels s'associent cette année encore pour dégrader la prise en charge des patients par les services d'urgences hospitaliers, s'insurge le Syndicat national des professionnels infirmiers. Plusieurs établissements ont dû imposer une régulation nocturne par le 15, avec des conséquences délétères pour les usagers.

panneau accueil des urgences

Crédit photo : BURGER / PHANIE

Cette année encore, des services d’urgence sont contraints de restreindre leur accès durant la période estivale pendant certaines plages horaires en raison du manque de soignants, dénonce le Syndicat national des professionnels infirmiers dans un communiqué. « Dans plusieurs régions, les urgences ne sont plus accessibles la nuit sans passer par un filtre téléphonique », s’irrite-t-il. C’est le cas en Loire-Atlantique où, depuis le 13 juillet 2025, l’Agence régionale de santé (ARS) du Pays de la Loire a décidé d’appliquer cette régulation nocturne pour une durée de trois ans. « Le dispositif d’accès régulé aux urgences la nuit a pour objectifs de mieux orienter les patients en fonction de leur besoin de santé et de préserver les conditions de travail des professionnels de nuit dans les services des urgences », faisait ainsi savoir l’Agence le 10 juillet. Un peu avant, le département du Calvados (Normandie) avait déjà imposé ce même mode de fonctionnement. Et en Bretagne, c’est l’établissement de Landerneau qui a été contraint de fermer du 11 juillet au 24 août. L’année précédente, un tiers des établissements sanitaires (34%) avaient dû faire fonctionner leur service d’urgence en mode dégradé, avait dénoncé Samu-Urgences de France, pointant une systématisation de ce recours à la régulation téléphonique par manque de personnel.

Canicule et retards de prise en charge

L’impact est d’autant plus grand que la France vient de subir un nouvel épisode de canicule, qui met en danger les personnes les plus vulnérables, notamment les plus âgées ou celles atteintes de pathologies chroniques. Et qui entraîne de facto une hausse des passages aux urgences, qui se retrouvent rapidement saturées. Selon son bulletin hebdomadaire du 13 août 2025, Santé publique France a enregistré entre le 8 et le 11 août 100 passages supplémentaires dus à la canicule, avec un recours aux soins qui a augmenté dans toutes les classes d'âge. « Pour les patients, ces fermetures se traduisent en kilomètres supplémentaires, en délais qui s’allongent, en situations critiques laissées à l’appréciation d’un régulateur au téléphone », commente le SNPI, qui martèle : « La consigne est partout la même : filtrer, reporter, transférer» De quoi contredire Catherine Vautrin, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, qui assurait mi-août que les hôpitaux étaient prêts à faire face à l’afflux de patients escompté avec la canicule.

Et une fois reçus aux urgences, les patients sont confrontés à des retards de prise en charge qui augmentent d’année en année : la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques relevait ainsi en mars dernier que la durée des passages avait augmenté de 45 minutes en 10 ans, cite le SNPI. Or ces délais d'attente ont de graves conséquences, dont la principale est la survenue de décès inattendus. Samu-Urgences de France en recensait 43 entre le 1er décembre 2022 et 31 janvier 2023.

Une absence de moyens qui "tue"

La faute en revient au manque de moyens financiers accordés à l’hôpital, poursuit le SNPI, avec un Objectif national de dépenses d’Assurance maladie (ONDAM) qui demeure « inférieur de moitié aux besoins estimés. » « Fermer la nuit n’est pas une solution. C’est un symptôme. Celui d’un système que l’on prive volontairement des moyens d’agir. Ce n’est pas la météo qui tue. C’est l’absence de moyens », tacle-t-il en conclusion. Et sur ce volet, les perspectives pour l’année à venir s’annoncent sombres : François Bayrou, le Premier ministre, entend réclamer 5 milliards d’euros d’économie à la santé et a prévenu mi-juillet qu’ « une plus grande efficacité sera demandée à l'hôpital ».

La Rédaction d'Infirmiers.com

Source : infirmiers.com