La régulation par le 15 tue. C’est, en substance, ce que dénonce le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) dans un communiqué du 3 septembre 2025. Mis en place dans le cadre de la mission « Flash » de François Braun au sortir de la crise sanitaire, en 2022, le dispositif est censé désengorger les urgences en les réservant aux vraies urgences de santé. Problème : c’est désormais le SAMU qui est saturé, entraînant de réelles pertes de chances pour les patients. En janvier dernier, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) évaluait l’évolution du recours au Samu-Centre 15 et observait une hausse du nombre de dossiers de régulation (20 millions, soit 48% de plus qu’en 2014) mais aussi du temps de réponse. « Le temps moyen d’attente pour une prise en charge par le service d’aide médicale urgente (SAMU), suite à un appel au 15, est souvent supérieur aux recommandations. En effet, le temps d’attente moyen dépasse régulièrement les 3 à 4 minutes, alors que les normes internationales recommandent un délai inférieur à 1 minute », constate ainsi le SNPI. Autres chiffres : 80% des appels sont décrochés en moins d’une minute, contre 85% les années précédentes. Quant aux délais moyens d’intervention des sapeurs-pompiers, ils dépassent désormais les 12 voire 18 minutes en zones rurales.
En cas d’arrêt cardiaque, la survie diminue de 6 à 10% par minute sans défibrillation.
« Ces délais d’attente excessifs peuvent avoir des conséquences dramatiques sur la santé des personnes concernées, en retardant leur prise en charge médicale et en compromettant leur pronostic vital dans certains cas urgents », se désespère le SNPI. Exemples : en cas d’arrêt cardiaque, la survie diminue de 6 à 10% par minute sans défibrillation ; et « pour un AVC ischémique, c’est 1,9 million de neurones détruits à chaque minute sans reperfusion, ce qui dégrade l’autonomie future », cite-t-il.
Un dispositif de régulation peu efficient
Par ailleurs, la régulation par le 15 n’est pas toujours opérante. Si certaines Agences régionales de santé (ARS) constatent bien une diminution des passages aux urgences, du fait d’un filtrage drastique imposé la nuit comme en Loire-Atlantique, « la tendance reste inverse » au niveau national. « Depuis 2024, la fréquentation globale des urgences repart à la hausse, notamment chez les plus de 75 ans. L’idée d’un désengorgement durable par la seule régulation téléphonique n’est pas confirmée », tacle-t-il. Car, parallèlement, la régulation s’avère souvent inefficace pour les personnes les plus âgées qui résident en EHPAD. Avec des équipes réduites et des médecins absents la nuit, la solution du régulateur consiste souvent à transférer les résidents à l’hôpital. « Résultat : des transferts jugés inappropriés par la littérature scientifique, coûteux et traumatisants pour les patients », s’agace le syndicat.
La régulation peut sauver du temps médical quand elle est rapide, dotée, et connectée à des alternatives réelles : médecins de ville, équipes mobiles, hospitalisation à domicile.
Ces délais de prise en charge et leurs conséquences ont une cause évidente : le manque de moyens, surtout en ressources humaines, que ce soit au sein des unités gériatriques, en aval en médecine de ville ou parmi les effectifs des assistants de régulation. « La régulation peut sauver du temps médical quand elle est rapide, dotée, et connectée à des alternatives réelles : médecins de ville, équipes mobiles, hospitalisation à domicile », en conclut le SNPI. Fin août, le syndicat alertait déjà sur un système de filtrage délétère pour les patients mais normalisé par manque de personnel. « La question reste entière : en imposant le 15 comme porte d’entrée, l’hôpital s’allège-t-il vraiment, ou reporte-t-il son encombrement sur une ligne déjà saturée ? »
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