Bilan de l’année 2025 et annonces des grands enjeux en matière se qualité des soins étaient au programme de la conférence de rentrée de la Haute autorité de santé (HAS). Ce, dans un contexte politique et économique particulièrement instable. Or, dans une telle période, « la HAS offre une stabilité » et conserve « un cap : celui de la qualité en santé ». Un « sujet crucial », a souligné le professeur Lionel Collet, son président, alors que le secteur se heurte à une pluralité de tensions: difficultés d’accès aux soins et pénurie des professionnels de santé, valse des ministres de la Santé et contexte budgétaire très contraint. De quoi rendre d’autant plus essentielle la mission d’évaluation et d’accompagnement de la qualité et de la sécurité des soins.
Des recommandations et des évaluations
Au cours de l’année écoulée, la HAS a ainsi publié plusieurs recommandations sur une pluralité de sujets : prise en charge du diabète de type 2, rattrapage vaccinal contre le HPV, appel à une meilleure coordination entre les services de protection de l’enfance et les services de pédopsychiatrie... « Car derrière le mot "santé", il y a le sanitaire, mais aussi le social et le médico-social », a-t-il listé, soulignant que l’agence sanitaire a publié le 16 septembre dernier la liste de 12 000 des 45 000 établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) qu’elle a évalués au cours de l’année (voir encadré).
Focus sur les ratios soignants/patients
Et pour l’année à venir, les chantiers se multiplient également. Suite au vote à l’Assemblée nationale de la loi sur les ratios soignant/patients fin janvier 2025, elle a été saisie cet été par le législateur, qui lui a confié la mission de déterminer les ratios de qualité pour chaque service. Le sujet est « extrêmement lourd et complexe », a prévenu Lionel Collet, d’autant plus qu’il s’inscrit dans un calendrier très contraint : la HAS doit rendre son avis en 2027. « Nous allons travailler sur des spécialités en particulier en fonction de ce que dit la saisine », en raisonnant selon une logique de « qualité des soins » et non d’un point de vue économique, et en analysant ce qui se pratique à l’étranger (en Australie, notamment).
L'obligation vaccinale contre la grippe des professionnels de santé
Parallèlement, elle aura à se prononcer d’ici le deuxième trimestre 2026 sur un autre sujet : l’obligation vaccinale contre la grippe des professionnels de santé. En janvier dernier, au cœur d’une épidémie grippale particulièrement virulente, Yannick Neuder avait soulevé que la question de cette obligation «se posait», se déclarant lui-même favorable à sa mise en œuvre. Ce n’est pas la première fois que la HAS est amenée à s’emparer de ce thème. En 2023, elle avait émis un avis « réservé », a rappelé son président. «Si nous voulons obliger les soignants à se vacciner, il faut que l’on nous démontre que cela a une efficacité» dans la protection des personnes hospitalisées. Or, à l’époque, «il n’y avait pas de données sur la grippe nosocomiale.» Ces données existent désormais et sont en cours d’analyse. «Elles vont nous aider à trancher.»
Elle prévoit enfin de publier et d’actualiser des recommandations sur l’activité physique chez l’enfant et l’adolescent, les parcours après accident vasculaire cérébral ou encore sur le bilan de santé des enfants en maternelle.
En septembre dernier, la Haute autorité de santé (HAS) a publié les résultats de son évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS). « Les résultats sont plutôt satisfaisants mais il y a des marges de progression pour certains », a commenté Lionel Collet, avec des établissements médico-sociaux qui font un peu mieux que les établissements sociaux. Un écart qui s’explique par l’intégration chez les premiers d’une « partie soin qui exige une démarche qualité », soutenue par des financements dédiés. Actuellement, l’évaluation s’effectue tous les 5 ans mais « il serait bon de refaire [avant ce délai] une nouvelle évaluation lorsque l’établissement est vraiment très mal évalué, sous réserve qu’il y ait les moyens pour le faire. » Mais pour ce faire, une modification des textes législatifs serait nécessaire.
Ces recommandations ne sont pas des obligations mais, en cas d’accident, la justice peut faire valoir leur non-respect par un praticien pour évaluer sa responsabilité.
Ces avis et recommandations ne sont toutefois que cela : des positions, certes fondées sur des données scientifiques, mais qui n’ont rien de contraignant. La HAS ne décide et n’interdit pas, a martelé Lionel Collet… À moins qu’elle ne parvienne à faire valoir, pour les prescriptions dans certains champs du soin et de manière temporaire, un principe d’opposabilité. « Ces recommandations ne sont pas "opposables" », a-t-il rappelé. Autrement dit, ce ne sont pas des obligations mais, en cas d’accident, la justice peut faire valoir leur non-respect par un praticien pour évaluer sa responsabilité.
L'opposabilité : un pas possible vers plus d'obligations
Pourtant, dans certains cas, il serait « souhaitable » de les rendre "opposables" et donc de durcir les règles de prescription. Soit un moyen plus ou moins avoué de pousser les professionnels de santé « à faire ce que l’on recommande », a-t-il admis. Le principe, qui serait mis en œuvre via une loi, pourrait faire bondir les médecins, attachés à la liberté de prescrire. Une telle opposabilité n’est pour l’instant toutefois envisagée que pour les troubles du spectre autistique (TSA). C’est le délégué interministériel à l'autisme et aux troubles du neurodéveloppement qui a alerté la HAS sur des problématiques de polymédications et de pratiques discutables dans la prise en charge de ces troubles. En clair, la HAS mentionnerait lors de l’actualisation de ses recommandations « les pratiques à ne pas utiliser. S’il y a des professionnels qui les utilisent quand même, les familles pourront les dénoncer », qu’il y ait accident et contentieux ou non. L’opposabilité ne « peut pas s’envisager pour la totalité des domaines ni sur la durée », la médecine évoluant sans cesse. Pour l’instant, seule une discussion a été engagée sur le sujet, la publication des recommandations sur les TSA et les troubles du neurodéveloppement étant, elle, prévue pour le premier trimestre 2026.
Que deviennent les recommandations de la Haute autorité de santé ? « Depuis deux ans, nous développons des travaux de labellisation » qui permettent à un établissement d’afficher le logo de l’autorité sanitaire après évaluation. Cette labellisation se veut une garantie du respect de ses recommandations mais aussi de ses critères méthodologiques, scientifiques et déontologiques. « On débute ces travaux, et il faudra en évaluer les effets» , a toutefois reconnu Lionel Collet.
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